Martin Villeneuve / Mars et Avril : L’amour par-delà les étoiles
D’un modeste photo-roman atypique, Mars et Avril, premier long métrage de Martin Villeneuve, est devenu un ambitieux ovni cinématographique.
À écouter Martin Villeneuve, la réalisation de Mars et Avril fut une odyssée pour le moins périlleuse, voire cauchemardesque. De son propre aveu, les nombreuses difficultés rencontrées en chemin lui ont toutefois permis de se dépasser. Il faut dire que l’adaptation des deux tomes du photo-roman Mars et Avril, parus en 2002 et 2006, à la suggestion de Robert Lepage qui y incarnait le scientifique Eugène Spaak, était une entreprise plus qu’ambitieuse, comprendre très coûteuse.
"Le livre a toujours été un objet de grand intérêt et de fascination pour moi, affirme Villeneuve, rencontré en juillet à Karlovy Vary. Quand j’ai commencé le tome 1, j’étudiais en design graphique et en cinéma; c’était une plateforme de grande liberté que de revisiter le photo-roman avec un parti pris moderne où je pouvais raconter une histoire qui n’était pas tributaire d’une machine complexe comme le cinéma et le théâtre."
Vedette des tomes 1 et 2, Jacques Languirand a été rappelé, à sa grande surprise, pour reprendre le rôle du musicien amoureux d’Avril. Afin de remplacer Marie-Josée Croze, qui prêtait ses traits à Avril dans le photo-roman, Villeneuve a pensé à Caroline Dhavernas, choix approuvé par Croze. Alors que la compagnie de Robert Lepage, Films Ex æquo, avait engagé Villeneuve pour scénariser son film, Lepage abandonnait le cinéma et fermait sa compagnie en 2006. Devenu réalisateur, Villeneuve obtint alors un budget de 1,5M$ – la SODEC et Téléfilm ne pouvant lui offrir les 15-20M$ requis.
Après le tournage, Villeneuve se retrouva toutefois avec un film sans musique ni effets spéciaux où les acteurs évoluaient devant des écrans verts. Vision Globale s’engagea à faire les effets spéciaux et la postproduction au quart du coût. Entre-temps, le bédéiste belge François Schuiten (Les cités obscures) devenait le concepteur visuel de Mars et Avril.
"C’est un drôle de melting-pot; les livres font très Sol et Gobelet, mais il ne fallait pas qu’il en soit ainsi pour le film. Je ne voulais pas faire de photomontage ni de dessin animé, mais un film fantaisiste. Pour les décors, mes inspirations étaient les bandes dessinées de François Schuiten, que j’ai approché; plutôt que de faire "à la manière de", je voulais travailler avec lui."
Martin Villeneuve a même obtenu la permission des éditions Casterman de reproduire des décors conçus par Schuiten. De belles trouvailles ont émergé dans l’esprit de Villeneuve à chaque embûche. Ainsi, Robert Lepage ne pouvant être du tournage, le jeune réalisateur a filmé sa tête avec six caméras et fait du personnage un savant à tête holographique.
"J’aime tous les genres de cinéma, en autant que ce soit bon. Je ne dis pas que tous les films doivent être de la science-fiction ou fantaisistes, mais il faut en faire plus au Québec parce que c’est une autre façon de s’exprimer, ça nous sort de notre quotidien. Lorsque je suis arrivé avec ce projet-là, il n’y avait pas de référent ni de précédent. Si quelqu’un m’avait dit tout ce que j’allais traverser pour m’y rendre pendant ces sept années, j’aurais probablement mis mes énergies sur autre chose", conclut Villeneuve.
Les frais du voyage en République tchèque ont été payés par le Festival international du film de Karlovy Vary.
En salle le 12 octobre
Mars et Avril
Il se tourne trop peu de films de genre au Québec, et avec Mars et Avril, Martin Villeneuve prouve qu’on peut faire de la bonne science-fiction. Certes, rien n’est parfait dans cette étonnante fantaisie cosmique où un musicien célèbre (Jacques Languirand) et un fabricant d’instruments de musique célébrant les courbes féminines (Paul Ahmarani) s’éprennent d’une photographe asthmatique (Caroline Dhavernas), au moment où l’Homme s’apprête à fouler le sol de Mars. De fait, ce délire punk et baroque séduit par son esthétique très bédé, laquelle évoque les émissions pour enfants des années 60 et 70 (La ribouldingue, Picolo), de même que les univers d’Enki Bilal et de Moebius. En revanche, on regrette que le récit se révèle quelque peu bancal, les répliques, ampoulées et l’interprétation, tantôt figée, tantôt théâtrale.
Absurdité d’un critique qui évoque Bilal et Moebius, alors que l’article au-dessus cite explicitement Schuiten. Pas fort… De toute façon, le film n’est pas sorti en Outaouais.