Jacques Audiard, Thomas Bidegain et Marion Cotillard / De rouille et d’os : La délicatesse
Marion Cotillard incarne une dompteuse d’orques traversant une lourde épreuve dans le puissant mélodrame De rouille et d’os de Jacques Audiard.
Écrit avec Thomas Bidegain, De rouille et d’os de Jacques Audiard est l’adaptation libre du recueil de nouvelles de l’écrivain canadien Craig Davidson. L’une d’elle, Rust and Bone, raconte l’histoire d’un boxeur; l’autre, Rocket Ride, celle d’un dompteur d’orques. Souhaitant raconter une histoire d’amour après le drame carcéral Un prophète, Audiard et Bidegain ont recréé ces personnages afin de former un couple en devenir.
«C’est Jacques qui a lu ces nouvelles qu’on lui avait offertes pour son anniversaire», explique le scénariste, rencontré au Festival international du film de Toronto. «Il me les a fait lire et, pendant qu’il faisait le montage d’Un prophète, j’ai choisi certaines de ces nouvelles et j’en ai fait une histoire d’amour. Ce qui nous intéressait chez Davidson, c’était ce monde de catastrophes, brut, sans pitié, et ensuite de l’adapter à notre monde.»
Avec un mélange parfait de fougue et de sobriété, Marion Cotillard campe dans De rouille et d’os une jeune dresseuse d’orques victime d’un grave accident qui trouvera du réconfort auprès d’un jeune homme (Matthias Schoenaerts, révélation du film Bullhead de Michael R. Roskam) doué pour les sports de combat vivant avec son fils (Armand Verdure) aux crochets de sa sœur (Corinne Masiero).
Dans l’une des plus belles scènes du film, le personnage de Cotillard retourne sur les lieux de l’accident et engage un dialogue silencieux avec l’orque lui ayant arraché les jambes. «Il y a une connexion très forte à cette puissance et à ce silence presque méditatif auxquels elle n’était sûrement pas connectée avant l’accident en fait, croit l’actrice. C’est un mélange de ce qu’elle est quelque part, ce mélange de force et de douceur. L’amour qu’elle a pour ces animaux est intact parce que c’est fascinant et que c’est plein de surprises, bonnes ou mauvaises.»
Marion Cotillard poursuit: «En fait, je pense qu’on ne peut pas en vouloir à l’animal parce qu’il n’est pas responsable à partir du moment où l’on vient dans son milieu. Il n’y a pas de violence ni de méchanceté comme les hommes peuvent en avoir envers d’autres hommes. En lui prenant ses jambes, cet orque lui a redonné la vie et elle vient l’en remercier.»
Peu après la projection de De rouille et d’os au Festival de Cannes, plusieurs critiques ont fait des rapprochements entre le couple Devos-Cassel de Sur mes lèvres et le couple Cotillard-Schoenaerts. «Dans Sur mes lèvres, le film se terminait au moment où le couple allait baiser, avance Audiard. Dans De rouille et d’os, on a déjà passé ce stade. J’ai réalisé très tardivement qu’il y avait des similitudes entre ces deux films; d’ailleurs, si j’y avais pensé, ça m’aurait sans doute inquiété. Je dirais que c’est un prolongement; en ce moment, j’aimerais faire quelque chose sur le discours amoureux. Je trouve que c’est un sujet intéressant et peut-être que De rouille et d’os est une esquisse de ça, une réflexion sur la délicatesse, sur le fait d’être “opé”, comme le dit le personnage de Matthias.»