15e Festival du film de l'Outaouais : Natures vivantes
Cinéma

15e Festival du film de l’Outaouais : Natures vivantes

En attendant de prendre l’affiche sur un écran près de chez vous, Paulette de Jérôme Enrico et Renoir de Gilles Bourdos prennent d’assaut le Festival du film de l’Outaouais.

Mamie indigne

Égérie de la Nouvelle Vague remarquée du grand public pour sa sensualité et sa gouaille, Bernadette Lafont campe une septuagénaire au sale caractère dans Paulette, comédie dramatique décapante de Jérome Enrico, qui s’est plu à lui faire dire des horreurs.

«Paulette dit ces choses parce qu’elle est absolument blessée, elle est au bord de se retrouver à la rue, elle vit dans un entourage où tout le monde est grossier, mal engueulé, parce que tout le monde vit dans l’urgence. Ce que j’ai remarqué, c’est que c’est très jouissif d’entendre des horreurs comme ça, ça fait beaucoup rire parce que tout le monde aurait envie d’en dire de temps en temps. On va parfois au cinéma pour se défouler», expliquait l’actrice rencontrée à Paris.

«Les gens sont très contents de voir une grand-mère qui se déchaîne. C’était très jouissif pour moi d’écrire ces répliques», renchérit le réalisateur.

Pour échapper à son sort, Paulette deviendra revendeuse de cannabis. Si l’histoire vous paraît tirée par les cheveux, sachez que Jérôme Enrico s’est inspiré d’un fait divers que lui a rapporté une étudiante lors d’un atelier de scénarisation.

«On a pris des libertés avec le personnage, le côté xénophobe est arrivé après, se souvient-il. C’est assez excitant de travailler un personnage auquel on a envie d’être attaché, et qui par ailleurs balance des horreurs tout le temps, y compris à son petit-fils. Dans les dialogues, Paulette est comme une grand-mère italienne qui est arrivée en France et qui trouve qu’il y a trop d’Arabes; et en même temps, fondamentalement, elle a un caractère de mec. Tout à coup, elle va chasser, chercher à manger. On est tous un peu admiratifs de ce courage-là.»

Film d’ouverture du FFO

Les 21, 23, 24 et 26 mars

Le père, le fils, la muse

Dans Renoir, film lumineux de Gilles Bourdos rappelant les plus belles toiles du grand maître impressionniste, le vénérable Michel Bouquet incarne le peintre Auguste Renoir, récemment veuf, qui retrouve goût à la vie et à la peinture grâce à une jeune modèle rousse et pulpeuse (Christa Theret). Blessé à la jambe par un éclat d’obus à la guerre, écrasé par le génie de son père, le jeune Jean (Vincent Rottiers) trouvera également chez elle une muse.

Délicat et de petite taille, Rottiers ne correspond pas du tout à l’image que l’on se fait de Jean Renoir: «J’étais surpris et même super remué qu’on m’offre ce rôle, parce que Jean Renoir, expliquait-il lors d’une entrevue accordée au Festival de Cannes, c’est le plus grand cinéaste, selon certains. Comme il existe peu de photos de lui jeune, Gilles m’a dit qu’il n’avait pas nécessairement de références pour la ressemblance. J’ai tout de même pris un petit peu de poids, même si je ne me sentais pas obligé de lui ressembler. En fait, je me sentais plutôt libre puisque je n’avais pas besoin de le copier.»

Pour incarner la muse des Renoir père et fils, Bourdos souhaitait trouver une actrice à la peau blanche captant avec éclat la lumière. Le hasard a voulu qu’il rencontre Christa Theret, fille d’un peintre et d’une modèle. «Je n’aurais pas fait ce film sans la présence de l’actrice, assure-t-il, car ce qui m’intéressait, c’était de trouver ce point de grâce qu’il peut y avoir à un moment donné dans la peinture. Renoir n’avait pas besoin de la présence d’un modèle pour l’anatomie puisqu’à 75 ans, il avait fait 7000 tableaux, mais plutôt pour allumer ses sens, qu’il disait. Je ne voulais pas entrer en compétition avec la peinture de Renoir, mais rendre compte de ce point de jonction entre le modèle, le tableau en train de se faire, le peintre, la lumière et la nature.»

Film de clôture du FFO

Le 29 mars

Le 15e Festival de films de l’Outaouais

Du 22 au 29 mars

Programmation au offestival.com

Les frais du voyage à Paris ont été payés par Unifrance.

 

À voir au FFO
No

***1/2

Quinze ans après le coup d’État de 1973, lequel avait renversé Allende, Pinochet proposa au peuple chilien un référendum sur sa présidence. Afin de mettre un terme à son régime sanglant, on engagea un dynamique publicitaire (Gael García Bernal, excellent) pour concevoir la campagne du Non. L’image est l’élément le plus remarquable dans No de Pablo Larraín qui, par souci d’authenticité, a tourné avec quatre caméras des années 1980. Peu à peu, l’œil s’habitue, et lorsque le réalisateur intercale des images d’archives, le résultat s’apparente à un fascinant documentaire sur une page d’histoire sombre du Chili. Bien que l’on connaisse les résultats du référendum, No demeure un drame politique haletant dont la tension va en grandissant alors que ce héros en skate se forge une conscience politique. (M. Dumais)

J’enrage de son absence

**1/2

Porté par les musiques de Gorecki et de Pärt, ce premier passage du côté de la fiction de Sandrine Bonnaire ne donne certes pas dans la légèreté. Abordant frontalement le deuil d’un enfant, J’enrage de son absence ne s’enlise pas non plus dans les répliques psychologisantes. Toutefois, à force de faire taire le protagoniste inconsolable, défendu admirablement par William Hurt, et de laisser la musique dicter l’émotion, le tout devient si lourd, si sombre, si intense qu’on flirte dangereusement avec le mélodrame. Ajoutez à cela une symbolique utérine trop insistante et un transfert des rôles entre l’homme et l’enfant maladroitement développé. Alors que le jeune Jalil Mehenni hérite des répliques les plus inspirées, Alexandra Lamy, qui accuse ici une ressemblance troublante avec la réalisatrice, apporte à l’ensemble une bienheureuse chaleur. (M. Dumais)

Trois mondes

***

Des zones grises, ce n’est certainement pas ce qui manque dans Trois mondes, sombre thriller psychologique dans lequel Catherine Corsini compose des lieux étouffants où l’on s’épie à travers des fenêtres ou des portes vitrées. De fait, la cinéaste passe souvent près d’exaspérer le spectateur tant elle s’amuse à lui triturer les méninges en révélant couche par couche chacun de ses personnages, incarnés avec aplomb par Raphaël PersonnazClotilde Hesme et Arta Dobroshi. Ainsi, plus d’une fois au cours de ce récit tortueux, on se retrouvera à condamner l’un et prendre le parti de l’autre, pour ensuite changer radicalement de position. Certes, Corsini ne se fait pas toujours subtile dans sa critique d’une société où l’argent détermine le prix d’un homme, d’une fiancée, d’une vie, mais force est de reconnaître qu’elle provoque avec fracas la réflexion. (M. Dumais)