Marc-André Grondin, Jean-Pierre Améris / L’homme qui rit : Un certain sourire
Sourire sardonique du Joker aux lèvres, Marc-André Grondin incarne avec grâce L’homme qui rit, d’après le roman de Victor Hugo, sous la direction de Jean-Pierre Améris.
Avec Ursus (Gérard Depardieu), qui les a recueillis enfants, Gwynplaine (Marc-André Grondin), homme aux joues balafrées, et Déa (Christa Theret), aveugle depuis son jeune âge, vont de ville en ville afin d’offrir aux gens rires et émotion. Un soir qu’ils donnent un spectacle, une ténébreuse duchesse (Emmanuelle Seigner) entreprend de séduire Gwynplaine, qui attire tous les regards. Alors qu’il découvre le secret des origines de la femme, le jeune homme s’enivre du pouvoir de la noblesse et de la classe politique.
«Ce qui m’intéressait le plus dans L’homme qui rit, c’était la trame politique, surtout le discours de la fin. Je trouvais ça hallucinant qu’à la fin du 19e siècle, Hugo ait pu écrire quelque chose qui colle parfaitement à ce qui se passe aujourd’hui. J’ai tourné le monologue à la Chambre des lords en mars 2012, au début de la crise étudiante; je trouvais que ça “fittait” vraiment bien», racontait Marc-André Grondin lors de son bref passage à Montréal.
En 1971, Jean-Pierre Améris découvre le roman de Victor Hugo grâce à une adaptation de L’homme qui rit pour la télé de Jean Kerchbron. Dès lors, il se dit qu’un jour il en fera un film. S’il prétend que Les émotifs anonymes, où Isabelle Carré et Benoît Poelvoorde incarnaient de grands timides, est son film le plus autobiographique, L’homme qui rit serait son œuvre la plus intimiste.
Complexé en raison de sa haute taille à l’adolescence, Jean-Pierre Améris a trouvé refuge dans la littérature et le cinéma de monstres: «C’était ce qui me faisait pleurer et me consolait, confiait-il lors d’une entrevue accordée à Paris, comme La Belle et la Bête de Jean Cocteau, Elephant Man de David Lynch, Edward Scissorhands de Tim Burton. Dès qu’il y avait le thème du différent, ça me plaisait.»
Étrangement, le monstre, héros romantique possédant l’aura d’une rock star, qu’il met en scène n’a rien de monstrueux. Marc-André Grondin révélera même au cours de l’entrevue que son sourire sardonique faisait le plus grand effet sur les gens durant le tournage: «Même si le corridor était rempli de femmes à barbe et autres forains, je sortais du lot. Sur le plateau, quand j’étais maquillé, coiffé, habillé, je sentais que j’avais vraiment du sex-appeal. Les femmes étaient attirées par moi, alors que ce n’était pas le cas lorsque j’étais au naturel. L’attirance un peu morbide de la duchesse pour la cicatrice, je la sentais chez le monde.»
«C’est un parti-pris que l’on peut discuter, mais je tenais à ce qu’il reste beau. Je voulais montrer que la cicatrice de ce personnage, c’est la faille narcissique, terme psychanalytique qui signifie par où on est fragile. On en a tous une. Je voulais qu’on voie Gwynplaine comme Déa le voit, si j’ose dire car elle est aveugle, avec les yeux de l’amour. Il est beau, il est différent; c’est lui qui se sent laid et différent. On aime parce qu’on aime, on aime tout entier et on est beau parce qu’on est aimé. C’est vraiment le message que j’avais envie de transmettre », conclut le réalisateur.