Philippe David Gagné et Indiegogo : Du soutien en région
Selon le réalisateur Philippe David Gagné, Saguenéen de naissance, Abitibien d’adoption, le cinéma en région trouverait avantage à se tourner vers les plateformes de sociofinancement.
En avril dernier, Philippe David Gagné tournait Le chant des cabanes, court métrage campé à La Baie et mettant en scène un pêcheur de capelan et son chien. Bien que le mixage ne se fera qu’au mois d’août, Le chant des cabanes a tout de même été présenté au Festival de Cannes dans le programme New Quebec Short Films. Avant d’y arriver, le réalisateur a dû faire appel à la générosité de son entourage et de ses concitoyens.
«L’une des raisons pour lesquelles je me suis tourné vers le sociofinancement, explique-t-il au bout du fil, c’est que c’est très compliqué d’obtenir du financement pour un court métrage, les délais sont aussi longs pour un court que pour un long métrage. Avec Jean-Marc E. Roy, on a déposé une comédie musicale; on s’est fait financer par le CALQ et la SODEC nous a soutenus pour l’écriture. Pour la production, on a dû faire trois dépôts, ce qui nous a pris un an et demi. Ensuite, on nous a demandé de déposer une quatrième fois. On a donc abandonné et on s’est dit qu’on poursuivrait le projet avec le CALQ seulement, on le tournera d’ailleurs cet automne avec Dany Placard.»
Afin d’éviter de revivre ce manège pour Le chant des cabanes, Philippe David Gagné s’est alors inscrit à la plateforme de crowdfunding Indiegogo. Accessible à tous dans le monde entier, à la condition d’avoir un compte bancaire valide, cette plateforme ne demande aucuns frais d’inscription; lorsque l’utilisateur atteint son objectif, Indiegogo réclame 4% des frais et 9% si le montant visé n’est pas atteint.
«Quand tu utilises une telle plateforme, tu n’as pas de comptes à rendre à personne, outre les gens qui t’ont donné de l’argent. En plus, c’est rapide: dès que tu as l’argent, tu peux tourner. C’est sûr que ce ne sont pas les montants de la SODEC, qui peuvent varier entre 75 000$ et 350 000$ pour un court métrage. Mon objectif était de 5000$ sur Indiegogo et je l’ai atteint; avec les commandites, le budget réel équivalait à 100 000$.»
Qu’on ait ou non la notoriété d’un David La Haye, dont le prochain long métrage J’espère que tu vas bien 2 a été financé par Haricot, il serait facile pour tout un chacun de toucher le cœur de potentiels producteurs: «On est en 2013, donc c’est toujours possible d’avoir accès à bien du monde quand tu as des amis qui repassent l’information pour toi. C’est sûr qu’entre aider David La Haye ou un gars qui est le cousin de ton ami Facebook, il y a une différence, mais bien des gens aiment encourager ce qui se passe en région. Beaucoup de gens ont une volonté de consommer régional autant artistiquement que pour les produits du terroir, parce qu’ils réinvestissent dans leur culture, leur milieu. Pour ces gens, ce n’est pas compliqué, ils vont donner 15$, 20$ ou 50$ via PayPal; ils aident donc quelqu’un en cinq minutes.»
À force d’être sollicité de toutes parts, le citoyen-producteur ne risque-t-il pas d’en avoir assez de soutenir les cinéastes? «C’est l’fun qu’il existe de telles plateformes de financement, reconnaît Gagné, mais quand les gens auront donné à une quarantaine de projets de courts métrages, ils risquent de s’écœurer. On est encore dans la phase où tout est cool, tout est beau, mais à un moment donné, je crains que ça renforce l’idée que les artistes sont pauvres et prennent l’argent des gens. Présentement, les gens sont portés à donner à des gens qui ne connaissent pas, mais après 15 fois, ils vont vouloir aider seulement ceux qu’ils connaissent. Je ne sais pas si cet outil-là est là pour durer, mais c’est tout de même intéressant de l’avoir.»
Pour l’instant, il semble que le sociofinancement soit la planche de salut du cinéma en région: «C’est difficile de trouver des bonnes caméras, des techniciens qualifiés en région, parce qu’il n’y a pas assez de tournages. Plus il va y avoir de matériel et de main-d’œuvre, plus ce sera facile de tourner en région en utilisant une plateforme comme Indiegogo. On évitera de dire à la SODEC de nous aider parce qu’on est en région, mais parce qu’on est aussi bons qu’en ville.»
Pour en savoir davantage: indiegogo.com