Les survivantes / Éli Laliberté : Survivance et résilience

Marie-Paule McInnis a publié, en 2009, La survivante, se penchant sur le drame qu’elle avait vécu, suite au meutre de ses enfants par leur père. Trois ans plus tard, elle approchait Éli Laliberté et Karina Marceau pour porter au grand écran les histoires de ces femmes qui ont dû composer avec des situations semblables. Le réalisateur, Gaspésien d’origine, tout comme la dame, ne pouvait refuser cette demande, se rappelant lui-même de l’histoire de cette famille qui avait fait les manchettes à l’époque. «Son désir profond, c’était de faire entendre les survivantes, point. Pour moi, c’était un appel du destin, je ne sais pas comment le dire autrement. Quand Marie-Paule m’a contacté de les aider, je me suis dit que je ne pouvais pas dire non. Je me sentais d’attaque pour ce sujet-là. J’habite à 45 minutes de la maison où le drame de la famille de Marie-Paule a eu lieu. Je me rappelle des nouvelles et des histoires, à l’époque. Ça me touchait par ça», admet le réalisateur.

En révélant des statistiques et faits alarmants, en faisant le portrait de ces six femmes, ces six survivantes dont les parcours se ressemblent malheureusement trop, Laliberté et Marceau, avec l’aide de Shirley Whittom (M.Sc. psychologie) et Sylvie Morin (directrice de l’organisme La Bouée) plongent tête première dans un tabou social que McInnis et ses consoeurs souhaitent aborder de face. «C’est très intense. On les a rencontrés une première fois toute la gang, sans caméra. C’est Marie-Paule qui a recruté ces survivantes qui ont accepté de participer grâce à elle.» Tourné entre l’automne 2012 et le début de 2013, entre Charlevoix – où s’est tenue une belle rencontre entre ces femmes et l’équipe de tournage -, les résidences des dames, les lieux de certains drames et une séance d’art thérapie, Les survivantes est vraisemblablement un appel à l’écoute. «C’est la première fois qu’un tournage me force à laisser la caméra pour aller pleurer dans la pièce à côté. Oui, c’est notre travail et parfois, on est tellement pris dedans qu’on pense être insensible, mais ça nous rattrape plus tard, c’est comme un élastique.»

En abordant de front le problème, les causes de ces filicides, ces femmes s’ouvrent au public pour que tous puissent être sensibilisés à la problématique. «Tous les thèmes abordés ont été choisis par les femmes, précise Éli Laliberté. On aurait pu se perdre en allant chercher d’autres dimensions au drame, mais on a voulu garder ces six femmes qui ont une histoire similaire et qui est la plus commune dans les cas de filicides commis par le père.» C’est en tant que société que ces femmes veulent que nous faisions face au problème, que tous se regardent et se posent des questions, en arrêtant de pointer du doigt et en regardant et en agissant.

On se penche donc sur la violence conjugale, sur le manque de ressources pour venir en aide aux femmes coincées dans un cercle de violence et les hommes aux prises avec des troubles de santé mentale ou d’endettement, sur la détresse psychologique post-traumatique, sur le manque de formation des intervenants sociaux, sur la responsabilité du gouvernement en matière d’aide aux victimes collatérales des filicides, et plus encore. «Ce que je trouve bête, c’est que ces femmes sont pénalisées parce que leur histoire est trop lourde à raconter. On ne veut pas rentrer là-dedans. Certains me disent qu’ils ne veulent pas écouter le film à cause du sujet. C’est comme si on se disait, au Québec, que tout ce qui est trop heavy, trop lourd, on ne veut pas en parler.»

Ces mères et femmes entrent maintenant dans le débat public pour faire changer les choses, pour informer les gens et pour déposer un manifeste à l’assemblée nationale, exigeant plus d’aide avant et après les meurtres, et dénonçant le traitement qui leur est réservé.

Télé-Québec présentera le documentaire Les survivantes ce lundi 2 décembre, à 21h.

Pour lire le manifeste des survivantes : www.lessurvivantes.com

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