Charles Gervais / Collisions / RVCQ : La vie après ma mort
S’inspirant d’un drame qu’il a vécu, Charles Gervais signe un premier court métrage de fiction, Collisions, d’un onirisme envoûtant.
Ceux qui auront la chance de découvrir à la soirée d’ouverture des 32es Rendez-vous du cinéma québécois Miraculum de Podz auront également le plaisir de voir en primeur Collisions de Charles Gervais. Rarement deux films n’auront été si bien jumelés tant leur structure fragmentée soutenue par un montage fluide et les thèmes qu’ils abordent s’harmonisent.
Ainsi, à l’instar de Podz, Gervais a misé sur les gros plans afin de faire ressentir l’émotion vécue par son personnage, un jeune homme victime d’un accident de la route qu’incarne Niels Schneider. Sur le point de rendre son dernier souffle, il voit alors défiler des bribes de sa vie.
«Pour moi, il était important que l’on s’identifie au personnage, qu’on puisse être assis à sa place dans le siège du conducteur, explique le réalisateur joint au téléphone. J’ai misé sur le regard de Niels qui se promène dans ses projections. J’ai réfléchi à la manière d’amener les flashbacks. À mon sens, on ne se voit pas souvent dans ses propres flashbacks, j’ai donc préféré qu’il demeure comme un spectateur flottant dans ces prises-là.»
Alors que défilent ses souvenirs, le jeune homme aperçoit un avant-goût de ce que sera la vie des siens après son passage: «J’ai eu l’occasion, voire la chance, de côtoyer la mort de près. J’avais 25 ans à l’époque; j’ai toujours trouvé que c’était une expérience fascinante, enrichissante, apaisante. Pendant un instant, j’étais déconnecté de la vie en me disant qu’elle allait continuer sans moi.»
«Je n’ai pas vu du tout défiler ma vie, poursuit-il; je réfléchissais plutôt au moment que je vivais et à ce qui allait se passer après ma mort, à ce que j’allais laisser derrière moi, aux gens qui allaient me survivre et comment ma mort allait les influencer. Le temps devient élastique lorsqu’on passe proche de la mort, les choses se passent à la fois très vite et très lentement. Il y a une grande dose d’endorphine qui est sécrétée dans ces moments-là, ce qui donne un effet psychédélique, et c’est ce que j’ai voulu recréer.»
Tandis que le jeune homme agonise sur l’autoroute en pleine heure de pointe, et que le drame intimiste se transforme peu à peu en fait divers selon la valeur des plans, Charles Gervais se permet un passage vers l’infiniment grand.
«Au début, je cherchais une clé pour lancer les spectateurs. Et ce qui me semblait la clé la plus totale, c’était la Voie lactée et la galaxie voisine qui, selon les prédictions de la NASA, vont entrer en collision d’ici quatre ou cinq milliards d’années et former une nouvelle entité. Si ça se passe à cette échelle-là, c’est qu’on est aussi le produit d’une infinité de collisions, du Big Bang jusqu’à l’Éternité. L’être humain entre constamment en collision avec d’autres êtres humains, avec la matière, et en ressort constamment transformé.»
En parallèle, Collisions nous transporte également vers l’infiniment petit: «En passant près de la mort, j’ai trouvé cela réconfortant de me rendre compte que j’étais le produit de toutes ces collisions d’atomes et que quelque part, j’allais continuer à avoir un certain impact sur ceux que j’avais connus grâce à l’influence des collisions que j’avais eues avec eux. De façon métaphorique, notre conversation nous met en collision tous les deux et va nous transformer. C’est ce qui arrive à chaque rencontre et ce qui nous permet de survivre à travers le contact qu’on a eu avec les gens.»
Aux RVCQ le 20 février