Entrevue avec Ian Gailer : Regard sur le court au Saguenay: Petits plaisirs entre amis
Cinéma

Entrevue avec Ian Gailer : Regard sur le court au Saguenay: Petits plaisirs entre amis

Même si ses organisateurs ont mûri, à 18 ans, le Festival Regard sur le court au Saguenay demeure jeune de cœur et d’esprit au dire de son directeur général, Ian Gailer.

Entre 4000 et 5000: c’est le nombre de courts métrages que l’équipe de programmation de Regard sur le court au Saguenay a vu cette année. Parmi ceux-ci, quelques 1800 lui ont été envoyés directement tant la renommée de ce festival n’est plus à faire. Au final, c’est près de 200 films, dont la moitié ont été réalisés par des réalisateurs québécois, qu’ont retenus Ian Gailer, directeur général du festival, et sa bande.

«Des fois, c’est plate de faire des choix, expliquait-il lors de son passage aux Rendez-vous du cinéma québécois en février. Notre job consiste à choisir des courts parmi les très bons, car les excellents et les inoubliables, c’est l’évidence. On pense à la manière dont le festival pourrait être utile aux cinéastes. À qualité égale, on tient compte de la durée, mais si on se retrouve avec un court métrage d’un cinéaste établi et celui d’un débutant inconnu, on se dit qu’à Regard ce dernier va pouvoir rencontrer plein de gens, établir un réseau de relations, tandis que le premier en a moins besoin. On ne prend pas toujours les évidences, mais des choix utiles.»

À propos des tendances lourdes côté court, Ian Gailer pousuit: «Après plusieurs courts introspectifs, contemplatifs, sombres, on se dirige vers des choses plus pétées, notamment comme L’ouragan fuck you tabarnak d’Ara Ball, des films très rythmés comme Toutes des connes de François Jaros. Dans le court, il y a les nouveaux, les expérimentés, les bons et les pas bons: il y a de tout! Dans le long métrage, on filtre un peu plus. Dans le court, on se retrouve avec des courts réalisés avec deux piastres au cégep Montmorency et Mémorable moi de Jean-François Asselin, deux univers totalement différents.»

Contrairement à certains festivals, Regard sur le court ne cherche pas qu’à présenter des primeurs. Ainsi, plusieurs films qui seront présentés au fil des prochains jours ont déjà une renommée internationale, tels Mr Hublot de Laurent Witz, récemment oscarisé, et La coupe de Geneviève Dulude-Decelles, grand prix du jury à Sundance.

«Comme nous l’a déjà dit Maxence Bradley: «une première ne s’exige pas mais se mérite». Eh bien, cette année on a la chance d’avoir plusieurs premières, dont Bec de lièvre de Louis Bélanger. C’est l’fun de constater que certains réalisateurs considèrent notre festival assez important pour y présenter leur film en primeur. C’est un bon signe de notre santé.»

À l’instar des fondateurs du festival, les courts-métragistes ont vieilli et mûri. Toutefois, cela ne signifie pas que Regard ait pris un coup de vieux et se soit assagi. «Les cinéphiles de la première heure ont la même énergie et les mêmes désirs, et la programmation respecte cela. Il ne faut toutefois pas oublier le public qui pousse, on a donc compris qu’il fallait mieux segmenter notre programmation. Avant, il y avait beaucoup de cinéastes de 20 à 24 ans, mais cette année, il y en a dans les 25 à 40 ans. Le nouveau court est un cinéma plus vieux et plus long. Avant, on faisait du 8 à 12 minutes parce qu’on voulait circuler dans les festivals, maintenant, avec Internet, il n’y plus cette contrainte, la majorité des films font de 16 à 23 minutes. Pour la programmation, c’est plus difficile parce qu’on présente moins de films.»

Le fait que le court métrage soit plus accessible grâce à Internet, où il peut recueillir des millions de clics, n’inquiète cependant pas Ian Gailer quant à l’avenir du festival et à l’impression de déjà-vu que cela pourrait provoquer.

«Cela ne remplacera pas le plaisir de voir les films ensemble ni l’expérience qu’on offre pendant les projections où il y a des conférences, des performances vidéo, des interventions. Le court tire son essence du plaisir d’être ensemble. Un long, c’est une œuvre complète; le court l’est aussi, mais je crois qu’il vit mieux en groupe s’il est bien choisi. À part quelques exceptions, c’est rare que le monde se dit « et si on allait voir le nouveau court de François Jaros, Toutes des connes? », mais si tu mets ce court métrage parmi d’autres courts et que tu le places bien, il va valoriser les autres films et en sera turbochargé. C’est ça, l’essence du court: de créer une belle courtepointe qui va du pet de cerveau au film pointu.»

Du 12 au 16 mars

regardsurlecourt.com