Regard sur le court métrage au Saguenay: Jour 2 – Rites de passage
Jeudi, grande séance d’ouverture pour un festival qui vient d’atteindre l’âge de la majorité: un programme de qualité supérieure à la moyenne, présenté devant une salle comble à la salle François-Brassard du Cégep de Jonquière. C’était beau à voir!
Avant la projection, plusieurs intervenants sont venus souligner la place du court dans notre cinématographie, le rôle essentiel d’une manifestation comme Regard et certaines embûches que le milieu du court rencontre. Le directeur du festival, Ian Gailer, a relevé avec justesse que le court métrage n’est pas qu’une affaire d’«émergence»; il est un genre en soit, qui mérite ses lettres de noblesse et qui se décline de toutes sortes de façons. Une réplique à laquelle Robert Lepage – venu pour présenter son film Thomas, coréalisé avec Pedro Pires – a fait écho en se qualifiant à la blague de «vieux schnock», aux côtés des jeunes réalisateurs sur scène avec lui. L’un d’entre eux, Michel Lam, a d’ailleurs repris la plaisanterie en introduisant sa comédie On vit une époque formidable: Lam s’est dit honoré d’être sur la même scène que Lepage, qui lui a alors proposé de faire ensemble un «selfie» devant un public éclatant de rire. Une anecdote qui en dit long sur la camaraderie qui règne dans ce festival tout sauf élitiste.
De cette projection d’ouverture, on retiendra surtout Le fjord des baleines, ce joyau atmosphérique islando-danois d’une beauté à couper le souffle signé Gudmundur Arnar Gudmundsson. En 15 minutes, c’est tout un univers riche et complexe qui prend vie sous nos yeux, dans une campagne reculée et secouée par le vent où deux frères vivent un drame hors du commun. Et, avec bien peu de mots, la relation entre l’enfant et l’adolescent prend une profondeur inouïe. La réalisation est précise, le scénario tout en finesse, et la direction photo vertigineuse. Fier d’une Mention spéciale au dernier Festival de Cannes, Gudmundsson est un réalisateur de 31 ans dont on suivra attentivement la suite de la carrière.
«Nous avions» : Rencontre éclair avec Stéphane Moukarzel
Un autre instant d’émotion digne de mention: le très beau Nous avions, de Stéphane Moukarzel, un court à la fois humoristique et nostalgique, qui accompagne un clan d’origine pakistanaise lors de son pique-nique hebdomadaire, un moment «rituel» consacré à l’observation d’avions qui atterrissent. Réel plaisir pour les uns ou obligation pour les autres, cette petite rencontre tendue parvient, en très peu de temps, à faire émerger une profonde réflexion sur l’immigration, la place de la famille, la tradition et la distance.
Rencontré au festival, Moukarzel raconte que son film est né de la découverte du lieu, un terrain en bordure d’autoroute et situé très près de l’aéroport, et de ceux qui s’y rendent régulièrement pour observer les avions. «C’était pour moi une image très forte, à la fois absurde et poétique, qui évoquait pour moi ces clichés de gares ou de quais de bateaux que l’on voit s’éloigner lentement, dans les vieux films. Il y avait quelque chose de l’arrivée, du départ, du lieu de passage, de la croisée des chemins… Tout cela se trouvait dans l’image, avant même que le scénario ne soit écrit.»
Le cinéaste d’origine libanaise, qui a grandi en Côte-d’Ivoire pour ensuite s’installer à Montréal à l’âge de 17 ans, y voyait aussi matière à parler des sentiments mixtes que l’on peut ressentir par rapport à la famille. «Adolescent, j’étais content de quitter ma petite ville, mais pour ma famille, c’était déchirant. Plus tard, en grandissant et en habitant loin, on dirait que ça me manque. Il y a comme un attachement à la banalité des moments très simples comme les dimanches en famille. Je voulais faire un film chaotique, joyeux, bordélique et qui montre le mélange des langues à Montréal… mais je voulais aussi exprimer cette nécessité de s’éloigner, pour ensuite revenir aux sources.»
Regard sur le court métrage au Saguenay se poursuit jusqu’à dimanche avec huit autres blocs de films, des discussions avec leurs créateurs et plusieurs activités spéciales.
Regard sur le court métrage au Saguenay
Du 12 au 16 mars