Kid Koala, Theodore Ushev, Daily tous les jours / McLaren Mur à Mur : Norman dans tous ses éclats
Cinéma

Kid Koala, Theodore Ushev, Daily tous les jours / McLaren Mur à Mur : Norman dans tous ses éclats

Jusqu’au 1er juin, l’ONF et le Quartier des spectacles célèbrent le 100e anniversaire de naissance de Norman McLaren avec McLaren Mur à Mur, spectaculaire programmation où l’on revisite les œuvres du grand cinéaste d’animation à travers sept vidéoprojections architecturales.

Si vous ne connaissez pas l’œuvre de Norman McLaren, l’ONF et le Quartier des spectacles vous offrent une occasion de vous familiariser avec son univers ludique par un parcours formé de sept œuvres ornant huit façades du centre-ville de Montréal. Grâce à un concours lancé en décembre dernier par l’ONF et le Quartier des spectacles, des artistes du monde entier ont été invités à créer des vidéos originales s’inspirant de Caprice en couleurs (1949), Synchromie (1971) ou Sphères (1969) de McLaren. Plus tôt cette semaine, les œuvres lauréates ont enfin été dévoilées.

Grand lauréat du concours, Color.Rythmetic du Bulgare naturalisé Espagnol Christo Guelov s’inspire de Synchromie. Dans cette réflexion sur l’évolution des formes artistiques et sur l’homme face à la technologie, l’artiste propose un ballet de formes géométriques multicolores où il explore la synchronicité entre le son et l’image. (Place de le Paix)

S’inspirant de Sphères, la Française Léna Babadjan signe Co Existence où des sphères lumineuses se laissent porter contre leur gré par la musique. (Cégep du Vieux Montréal)

Dans Dix anagrammes autour de Norman McLaren, d’après Caprices en couleur, la Française Delphine Burrus joue littéralement avec les mots et les langues en créant de nouveaux mots à partir de mots anglais et français sur une trame sonore de Peter Culshaw. (Clocher de l’UQAM)

S’inspirant également de Caprices en couleur, le Japonais Mirai Mizue propose The Baby Birds of Norman McLaren, kaléidoscope aux 1001 couleurs vibrantes où divers animaux prennent forme. (Centre de design de l’UQAM)

En complément de programme, l’ONF et le Quartier des spectacles ont commandé trois œuvres interactives de même qu’un montage de neuf œuvres phares de McLaren à des artistes montréalais. Conçu par Alexis Laurence et Francis Laporte, Panorama regroupe des extraits marquants de Synchromie, Lignes horizontales, Dots, Le merle, Caprice en couleurs, Étoiles et bandes, Discours de bienvenue de Norman McLaren, Canon et Sphères.

Dansons la McLarena

Après avoir interpelé l’enfant en nous avec leurs 21 Balançoires, Mouna Andraos et Melissa Mongiat sollicitent nos talents pour la danse avec l’installation McLarena : « Avec le projet qu’on a fait au Planétarium, on a découvert le pouvoir de la danse comme liant social. Dans ce contexte-là, ça devenait donc intéressant de travailler le mouvement », explique Mongiat.

Partant du troisième segment de Canon (1964), où un danseur exécute une série de pas, les cofondatrices de Daily tous les jours invitent les gens à effectuer des mouvements de danse dans une cabine vidéo en s’inspirant de ceux des précédents participants afin de poursuivre la chorégraphie de McLaren, laquelle est ensuite projetée sur une façade.

« Dans un certain nombre de ses films, McLaren anime des personnages humains et on trouvait que ça donnait un caractère ludique, dit Andraos. Dans ses expérimentations visuelles, il y a un degré de subtilité qu’on ne retrouve pas souvent, il y a aussi de l’émotion. Alors on a essayé de créer un contexte où le public pourrait vivre cela. Il y a un côté qu’on espérait didactique dans le fait de participer à la création en direct d’un film collectif. »

« On espère que ce sera le même effet qu’avec les 21 Balançoires, que les gens se laissent aller, se laissent prendre au jeu et que peu importe ce que les gens feront, le résultat sera toujours intéressant », confie Melissa Mongiat.

(Abords du métro Saint-Laurent)

Blocs musicaux

Bien qu’il soit très occupé – au moment de la rencontre, il s’apprêtait à partir en tournée avec Arcade Fire, Kid Koala n’a pas hésité à investir son temps et sa créativité en compagnie de Paul Warne et Mike Wozniewski de Hololabs dans l’élaboration de Phonotopia, qui puise sa source dans son film préféré de Norman McLaren, Dots (1940).

 « McLaren a toujours été une grande influence pour moi, se rappelle-t-il. Quand on m’a demandé de participer à cet hommage, Dots est le premier film qui m’est venu à l’esprit. Je me rappelle, enfant, écoutant les bruits fous que produisaient ces designs peints sur la pellicule par McLaren. Ce film tient une grande place dans mon cœur et je voulais partager ce sentiment, peu importe la forme qu’allait prendre notre projet. »

Afin de créer à leur tour une trame musicale à partir des sons conçus par Kid Koala, les gens sont invités à déposer des blocs de différentes formes et couleurs sur un convoyeur, lesquels seront ensuite scannés puis transformés en objets animés sur la façade.

« Quand on fait de la musique, on gratte une corde, on tape sur un tambour, etc., mais Norman McLaren parvenait à créer des sons à partir de peinture sans savoir ce que cela donnerait avant que le film soit projeté. Il a embrassé tant de technologies que s’il était de ma génération, je crois qu’il créerait à partir de différents logiciels. Peut-être même qu’il serait DJ! Après tout, il a utilisé le scratch dans certains de ses films. Dans toute son œuvre, il y a une part de magie, d’humour et de surréalisme et une célébration des sons. »

(Théâtre Maisonneuve, Place des Arts)

Monolithique Kubrick

En collaboration avec le studio de design interactif Iregular, le cinéaste d’animation Theodore Ushev, que certains considèrent comme l’un des héritiers spirituels de McLaren, a non seulement puisé son inspiration dans Lignes verticales (1960), Lignes horizontales (1962) et Synchromie, il en a aussi profité pour faire un clin d’œil à Stanley Kubrick, fervent admirateur de McLaren.

« Norman McLaren a changé le paysage du cinéma québécois, du cinéma canadien et du cinéma mondial, croit Ushev. Sans lui, l’ONF n’existerait pas. Malheureusement, il n’y a pas tant de gens qui connaissent son œuvre, d’où l’importance de ce projet, d’emmener ses œuvres vers un large public. »

« Il a sorti le cinéma expérimental du cadre marginal, poursuit-il. Il a utilisé toutes les technologies d’avant-garde de l’époque; ses films étaient grand public, amusants et vivants. En fait, il est le pionnier des vidéoclips. »

Grâce à un monolithe muni de micros sensoriels évoquant celui de 2001 : A Space Odyssey, le public est invité à transformer le son et les images de l’œuvre projetée sur deux façades.

« Le monolithe ne fonctionnera pas que dans la soirée puisque durant le jour, les gens vont pouvoir créer leur propre musique. La Grande Bibliothèque est un endroit très vivant, mais cela ne paraît pas de l’extérieur. Avec cette œuvre interactive, on va déconstruire et reformer ce lieu. Les images ne se répèteront pas car elles changent selon les mouvements et les bruits que produisent les gens. Il y un aspect bouddhiste dans cette volonté de capter le moment de façon éphémère », conclut Theodore Ushev.

Découvrez gratuitement une sélection d’oeuvres de Norman McLaren et de ses héritiers spirtuels grâce à McLaren aujourd’hui sur onf.ca.