Jean Gagnon / Collections de la Cinémathèque : Archéologie du cinéma
Afin de clore en grand son cinquantième anniversaire, la Cinémathèque québécoise lançait il y a quelque temps un site internet consacré à ses collections.
Pour certains, qui n’y ont probablement jamais mis les pieds, la Cinémathèque québécoise est un lieu poussiéreux fréquenté par de vieux cinéphiles nostalgiques. Alors que le public délaisse de plus en plus les salles de cinéma au profit d’autres plateformes, la vénérable institution quinquagénaire n’avait d’autre choix que de revamper son image afin de ne pas sombrer dans l’oubli avec ses colossales collections.
«On a identifié ce problème d’image publique et de notoriété, et c’est sûr que le nouveau site web est dans cette optique-là, confirme Jean Gagnon, directeur de la préservation et de l’accès aux collections de la Cinémathèque. À mon arrivée en 2010, j’ai constaté que notre technologie datait d’au moins dix ans, sinon plus… À cause de la technologie employée, on n’était pas répertorié sur Google. Avec le nouveau site, on a remédié à la situation. Le site web, c’était le dernier morceau des célébrations du 50e anniversaire parce qu’il ouvre vers le futur puisqu’un site web, par définition, c’est quelque chose d’évolutif. C’est d’ailleurs la beauté du web.»
Sur le site des collections de la Cinémathèque, les cinéphiles découvriront le travail monacal auquel se sont livrés les chercheurs pour créer deux dossiers spéciaux en numérisant de précieuses archives: le premier comporte les films inédits de la cinéaste canadienne Joyce Wieland; le second, colossal, souligne les 50 ans d’À tout prendre de Claude Jutra. Se retrouvent notamment dans ce dossier différentes versions du scénario, la correspondance de Jutra avec la banque, avec le ministre de la Culture, bref de quoi rassasier les plus curieux.
«Notre institution étant vouée à l’éducation du public, le but du site, c’est de donner de la matière aux gens, surtout aux jeunes générations qui pensent que tout ce qui s’est fait avant 1990, c’est de l’ancien temps. C’est notre effort pour aider les jeunes générations à replacer les films dans leurs contextes.»
Jean Gagnon poursuit: «Dans le cas d’À tout prendre, on donne à ce public une manière de comprendre ce film et d’amener certaines personnes à revenir voir les films dans leurs versions originales, c’est-à-dire projetés dans une salle. C’est peut-être juste un des éléments qu’on met en place pour essayer de contrer cette baisse d’assiduité dans nos salles, dans les centres de recherches et dans les centres de documentation.»
Si les archives de la Cinémathèque sont entre bonnes mains et que les cinéastes en fin de carrière font don des leurs, on peut toutefois s’inquiéter pour le patrimoine du futur: «Le grand changement, c’est que tout est numérique maintenant. Les gens ne gardent peut-être pas tout. Avant, on gardait nos lettres; aujourd’hui, on ne garde pas tous nos courriels. On ne pense pas à tout garder en changeant d’ordinateur. Je suis certain qu’on va perdre ainsi plusieurs documents. Le futur nous réserve quelques surprises, et en termes d’institution du patrimoine, on est pris un peu à essayer de trouver des solutions pour garder l’accès à de tels fichiers.»