Spirafilm / Versus : Bolex contre numérique
La Bolex, c’est un peu comme la 5D ou la Canon T2i des années 1950. Petite, facile à transporter mais… pas forcément user friendly pour les cinéastes d’aujourd’hui. En voici huit qui ont eu envie de se compliquer la vie.
Autour de la table, il y a Felipe Martin, Luc Renaud, Jean-Philippe Nadeau-Marcoux, Benjamin Tessier, Claudine Thériault et Elias Djemil. S’ils sont réunis ensemble dans la salle de meeting de Spirafilm, c’est pour discuter du projet qu’ils ont baptisé Versus et dont ils accoucheront bientôt à l’occasion d’une projection publique entre les murs du Cabaret du Capitole à Québec.
Grosso modo, Versus c’est un projet opposant une technologie archaïque (la Bolex H16) et la caméra numérique. Le projet regroupe huit cinéastes, trois photographes de plateau ainsi qu’un vidéaste qui s’est chargé de documenter les tournages pour la création d’un making-of. Choisis par la coopérative de cinéma indie Spirafilm, ils ont eu environ un mois et demi pour tourner des courts métrages de moins de dix minutes. Leur contrainte? Utiliser (en partie) la Bolex H16, une caméra 16mm associée à la Nouvelle Vague française et à ses héros comme Godard et Truffaut. Benjamin Tessier, cinéaste, nous explique son fonctionnement: «Il faut que tu la « crinques » avant de filmer et après tu en as pour 20 secondes. […] Mais ce qui est tripant avec la Bolex, c’est qu’on (N.D.L.R.: Tessier et son comparse Jean-Philippe Nadeau-Marcoux) avait l’impression de tourner des images d’archives. On avait l’impression de créer l’histoire et c’était parfait puisque notre film se passe dans les années 1960.»
Contraignante au maximum, cette machine-là a tout pour décourager les cinéastes de notre ère. Or, c’est précisément le contraire qui s’est passé puisque les huit cinéastes participants se sont portés volontaires. «Treize cinéastes ont déposé des dossiers. À la base, on devait en prendre six mais on en a finalement choisi huit. Il y avait trop de projets intéressants», explique Claudine, la directrice artistique de Spirafilm.
Ensuite, les cinéastes ont été jumelés en équipe de deux pour des coréalisations ou, sinon, la création de films «qui se répondent». Felipe Martin et Anne-Marie Bouchard appartiennent à la deuxième catégorie. «On n’avait pas le même sujet, mais on avait la même approche expérimentale axée sur l’improvisation. On a aussi pigé dans la même banque commune de sons et d’images.»
La force du nombre
Résistance, voilà le thème choisi par les instigateurs Claudine Thériault, Suzie Genest et Louis Blackburn. « Nous voulions un thème, et quelques jours plus tard, la manif a annoncé le sien: Résistance. Nous nous sommes alors dit que c’était parfait dans le cadre de ce projet « , raconte Claudine.
Créer une œuvre en 16mm aujourd’hui est certes un acte de résistance. N’est-ce pas, d’ailleurs, la même chose lorsqu’on exerce le métier de cinéaste à Québec? Cette fois encore, c’est Tessier qui prend la parole en s’attirant en retour les hochements de tête approbatifs de ses collègues. «Ça demande du courage et de la volonté pour faire des films ici. Je n’ai pas les chiffres, mais les subventions sont plus rares qu’à Montréal. Mais bon, il y a plus de solidarité et c’est le bon côté de la chose. Dans la vie, on ne résiste pas tout seul.»
Leur désir le plus cher? Faire en sorte que leurs films ne soient pas uniquement vus par les gens du milieu. Une réalité qui tend à changer grâce à l’appui du cinéma Cartier et du Festival de cinéma de la Ville de Québec qui diffusent des films réalisés par les artistes de Labeaumeville. Sans parler de Spirafilm qui permet des rencontres entre cinéastes, le prêt de matériel et qui offre aussi des formations. Une aide précieuse qui freine l’exode.
// Projection du projet collectif Versus
Jeudi 22 mai à 19h au Cabaret du Capitole