Kumiko the treasure hunter en première canadienne à Fantasia : L’inlassable quête
Le Théâtre Hall projetait hier soir en première canadienne Kumiko the treasure hunter, de David et Nathan Zellner: l’une des bonnes prises de Fantasia, qui flirte sur le succès obtenu par le film à Sundance en janvier. Avec raison.
Film aussi sublime que troublant, traversé d’un subtil humour noir, Kumiko the treasure hunter croise les paysages chargés de Tokyo et les forêts enneigées du Minnesota, où l’on suit une jeune femme japonaise aliénée par un boulot stupide et asphyxiée par un environnement social superficiel dans lequel elle ne se reconnaît pas. S’étant convaincue qu’elle était destinée à récupérer la mallette pleine d’argent que, dans Fargo des frères Cohen, le personnage de Carl a dissimulé sous la neige le long d’une immense clôture, elle quitte tout pour s’envoler jusque dans l’Amérique profonde récolter son butin. N’ayant pas mesuré les dificultés qu’elle y rencontrera, elle ne se laissera pourtant jamais démonter et, après avoir résisté aux dissuasions d’une bonne samaritaine et d’un shérif attentionné, elle parcourera dans le froid de longs kilomètres dans les bois en quête de son précieux trésor.
Cette improbable quête, fomentée par un esprit troublé, est pourtant très touchante à travers l’oeil du réalisateur David Zellner, qui pose sa caméra sur ce personnage sans le juger, exposant son parcours avec tout le sérieux du monde. C’est d’ailleurs du décalage entre ce parcours, quasi abordé de manière objective, et les regards portés sur lui par les autres personnages, que naît l’humour très particulier de ce film, dans lequel on ne se marre jamais du personnage et de sa profonde naïveté mais plutôt des situations distorsionnées qui en émergent. Les décalages entre les cultures orientales et américaines sont aussi abordées avec amusement – le film montrant de manière rigolote l’ignorance mutuelle et les préconceptions faussées de l’un et de l’autre.
Mais ce n’est pas nécessairement une comédie, tant la détresse de Kumiko (Rinko Kikuchi) est palpable. Personnage laconique et pince-sans-rire, au regard la plupart du temps éteint, elle est larguée par une société qui cherche à l’emprisonner dans une petite case et qui, malgré l’influence occidentale qui transforme les moeurs, fait d’elle une marginale parce qu’elle n’est ni mariée, ni carriériste, ni très apte à briller dans les interactions sociales. Dans une société encore teintée de traditionalisme mais de plus en plus individualiste, qui carbure à la performance individuelle et à la fabrication d’une image socialement irréprochable de soi, Kumiko est tout simplement inadaptée. Poussée dans ses derniers retranchements, elle n’a plus rien à perdre.
Kumiko, certes une représentante d’une jeunesse japonaise en pleine désorientation, est surtout un personnage universel, emblématique de l’errance et de la perte de repères post-moderne. On en a vu d’autres de son genre, mais ce film très raffiné en tisse un portrait éloquent.
Aucune date de sortie de Kumiko the treasure hunter n’a pour l’instant été annoncée au Canada