Factory Boss, seul film chinois en compétition au FFM: dans les coulisses des manufactures chinoises
Cinéma

Factory Boss, seul film chinois en compétition au FFM: dans les coulisses des manufactures chinoises

Coûte que coûte, malgré les subventions amputées et le manque d’appui, Serge Losique garde en vie le Festival des films du monde. Seul film chinois en compétition au festival, Factory Boss, de Zhang Wei, explore la réalité changeante des usines chinoises fournissant une quantité industrielle de marchandises pour le monde entier. Entrevue.

Posant à la fois sa caméra sur les ouvriers et sur le patron d’une usine de fabrication de jouets en difficulté financière, le cinéaste Zhang Wei cherche à offrir un film nuancé sur l’industrie du «Made in China». Essentielle à l’économie mondiale mais souvent décriée à cause de ses piètres conditions de travail, l’industrie manufacturière chinoise n’a que très rarement été l’objet de films de fiction professionnels en Chine. Il fallait donc s’y attarder en profondeur, avec un souci du détail et une finesse que le réalisateur dit avoir poursuivi sans relâche.

Il a lui-même été entrepreneur. «Mais, dit-il, il n’y a qu’une parcelle de mon expérience personnelle dans ce film, qui repose davantage sur un travail de recherche approfondi, sur plusieurs années. C’est un film de fiction, mais très naturaliste, qui essaie de reproduire avec beaucoup de précision le fonctionnement et la structure d’une usine chinoise. Une tonne d’entrevues avec des ouvriers et des propriétaires d’usine ont servi de trame de fond à l’écriture du scénario.»

Pas de regard désolé sur des ouvriers criant famine, toutefois. Si la Chine a bel et bien été le théâtre d’une vie ouvrière misérable et de piètres conditions de travail, «il faut maintenant se débarasser de cette image stéréotypée qui pollue l’imaginaire occidental».

« La situation des travailleurs chinois a beaucoup changé ces dernières années depuis que des lois du travail ont été mises en place, notamment un salaire minimum qui fait en sorte que les ouvriers sont davantage satisfaits de leur sort que jadis. Or, personne ne parle de ce fait, parce que l’image de sweatshops où l’ouvrier est exploité est puissante et continue de dominer l’imaginaire mondial. Je voulais faire un film qui apporte les nuances nécessaires, sans non plus tout enjoliver – simplement un film qui remet les pendules à l’heure et qui sort des stéréotypes »

C’est d’ailleurs ce qui a mené le cinéaste à poser un oeil bienveillant sur le patron de l’usine et à chercher à comprendre sa réalité et les contraintes nombreuses qui limitent son champ d’action. «L’entrepreneur, même si on le démonise parfois parce qu’on a l’impression que les employés sont mal traités, est la plupart du temps un homme de bonne foi, qui doit composer avec de nombreux paramètres, une forte pression venant des acheteurs outre-mer. On accorde beaucoup d’attention, avec raison, au sort des ouvriers, mais la situation complexe des entrepreneurs mérite aussi qu’on s’y attarde. Je pose donc un regard teinté de compassion sur ces propriétaires d’usine, comme d’ailleurs sur les ouvriers: les deux réalités sont importantes à considérer dans leur ensemble.»

La plupart des scènes de Factory Boss ont été tournées à Shenzhen et quelques unes à Dongguan, où se trouvent de nombreuses petites usines dans la région du delta de la rivière des Perles, lesquelles traversent une importante crise financière. S’approchant de ce milieu pour en capter l’âme et pour dévoiler la complexité des affaires qui continuent de s’y brasser péniblement, le réalisateur offre un regard qui tend à une certaine objectivité – un travail de fiction certes, mais qui fraie avec le journalisme.

«Je suis à la recherche de la Vérité, dit-il, et je ne veux pas porter de jugement sur la situation. Ce n’est pas un film militant qui cherche à dénoncer quoi que ce soit, c’est un film qui tend à une certaine honnêteté dans le regard, et à partir duquel le spectateur pourra se forger son propre point de vue.»

Factory Boss est présenté au Cinéma Impérial le dimanche 24 août à 9h et 19h, puis le lundi 25 août à 14h