FNC / Fort McMoney: votez Jim Rogers : Au royaume du pétrole canadien
Festival du nouveau cinéma 2014

FNC / Fort McMoney: votez Jim Rogers : Au royaume du pétrole canadien

Avec le film Fort McMoney: votez Jim Rogers, David Dufresne conclut son périple dans la ville des sables bitumineux, du nord de l’Alberta, Fort McMurray, entamé avec le jeu documentaire Fort McMoney, l’an dernier.

Après le succès mondial qui a suivi la mise en ligne du jeu documentaire Fort McMoney, voici le film Fort McMoney: votez Jim Rogers, suite logique en temps réel de l’expérience web. De retour à Fort McMurray, en Alberta, dans la troisième réserve mondiale de pétrole et trésor de guerre du Canada, où l’argent du pétrole mène la vie quotidienne et les fluctuations du coût de la vie. David Dufresne poursuit sur sa lancée, son obsession qui traverse sa démarche depuis trois ans: la démocratie est-elle soluble dans le pétrole?

Dans Fort McMoney, on rejoint des personnages réels croisés dans le jeu documentaire, dont Jim Rogers, trappeur, natif de la ville et candidat défait aux dernières élections municipales, qui a vu sa petite ville natale devenir une version moderne de la ruée vers l’or: une ruée vers le pétrole des sables bitumineux, une ville champignon qui pousse sans cesse et rejette les éléments les plus faibles, qui ne savent pas se débrouiller ou se plier au lobby du pétrole.

Dans une sorte de dernier parcours du conquérant pour montrer aux collaborateurs le film-jeu produit, David Dufresne revient sur les traces de ses personnages, reprenant autant des images que des événements expérimentés dans le jeu documentaire, ce qui en fait un film un peu redondant, pour ceux qui ont déjà pris part au jeu Fort McMoney. Cela dit, l’accent mis sur Jim Rogers constitue un élément intrigant, pourtant peu exploité dans le documentaire, malheureusement. Difficile de prendre le candidat défait au sérieux, avec le montage de ses frasques dont il subsiste dans le film.

Même son de cloche chez Carl et Cus, les deux amis sans emploi, qu’on suit dans leur cueillette de canettes: d’un côté, on reprend des éléments du tournage du jeu, de l’autre, on découvre le triste sort qu’a subi Cus et que son pote Carl avait quasi prédit, dans le jeu.

Les prix augmentent sans cesse, le coût de la vie est cher, mais certains de ses habitants y vivent plutôt bien, qu’ils soient sans emploi ou travailleurs d’usine. La ville champignon grossit à vue d’œil, tout comme les profits des entreprises qui exploitent son sous-sol. Mais qu’à cela ne tienne, ces compagnies reconnaissent leurs torts et influences, et du même coup, font des dons aux plus démunis – ceux qui ne travaillent pas ou plus pour les compagnies pétrolières -, à chaque année, paient pour les routes qui les transportent et financent les infrastructures de la ville où le coût de la vie augmente sans cesse. « C’était le tour de passe-passe parfait », lance judicieusement Dufresne dans son documentaire. « Le glissement sématique qui dit tout. Fort McMurray était le symbole de notre époque, où démocratie se confond désormais avec capitalisme qui, triomphant, fera à peu près ce qu’il veut. »

Si le documentaire est révélateur, il boucle aussi le processus un peu rapidement. Après une énième tentative de visiter une mine de l’une de ces compagnies pétrolières, l’une d’entre elles, Shell Albian Sands, a ouvert ses portes timidement à l’équipe de tournage qui fut d’ailleurs un témoin gênant d’une explosion ayant libéré du soufre. Offerte timidement en fin de film, cette épopée aurait sans doute gagnée à être exploitée pour donner du corps au documentaire.

Si itinérance et pauvreté côtoient richesses bitumineuses et faste lumineux produit par l’argent du pétrole, nous n’en voyons que quelques bribes dans ce documentaire de 52 minutes qui fait visiblement un « wrap up » bien rapide du temps investi à Fort McMurray par l’équipe de tournage. L’ambitieux jeu documentaire, lui, creuse beaucoup plus les décisions pseudo-démocratiques prises dans cette ville, où le lobby du pétrole semble exercer son contrôle à tous les niveaux. Reste que le documentaire nous révèle de nombreux éléments perturbants, se déroulant dans le nord de l’Alberta, mais qu’au final, on reste un peu sur notre faim, si l’on ne s’est pas investi au préalable dans le jeu documentaire.

 

16 OCT  21:10 Pavillon Judith-Jasmin annexe (Cinéma 1), dans le cadre du FNC

 

>> Pour relire l’entrevue que David Dufresne a accordée à Joseph Elfassi, dans le cadre de la sortie du jeu documentaire web Fort McMoney