En ouverture des RIDM : Le nez, de Kim Nguyen, ou comment l'odorat mène le monde
Rencontres internationales du documentaire 2014

En ouverture des RIDM : Le nez, de Kim Nguyen, ou comment l’odorat mène le monde

C’est un pic, c’est un cap, c’est une épopée! Étonnant film sur l’odorat, Le nez est le premier documentaire de Kim Nguyen (Le maraisTruffeRebelle). Un long métrage ambitieux qui traque les subtilités des parfums et la science de l’odorat partout dans le monde, au fil de rencontres passionnantes et souvent émouvantes.

Voici un documentaire qui va dans plusieurs directions et qui ratisse très large, à partir d’un sujet dont les néophytes n’auront pas soupçonné l’ampleur. Obéissant à ce qui lui est visiblement apparu comme un sujet immense, aux multiples embranchements, Kim Nguyen expose autant la tragédie de la perte de l’odorat d’une journalisate américaine (Molly Birnbaum) que les recherches d’un parfumeur allemand (Guido Lenssen) désirant reproduire l’odeur du sexe féminin, en passant par la quête de l’ambre gris et de son odeur prisée (entre autres).

On peut même en éprouver un certain vertige, tant le sujet est envisagé de manière apparemment exhaustive et tant chaque rencontre aurait pu faire l’objet d’un film entier. Mais l’intelligence scénaristique du réalisateur en fait un voyage passionnant, où se chahutent dans un montage rythmé les différentes perspectives sur un thème fertile, enchaînant les regards sur l’odorat dans ses dimensions sensorielles (évidemment) mais aussi scientifiques, culinaires, oenologiques, sociales et psychologiques (notamment en ce qui a trait à la mémoire affective réveillée par les odeurs).

Ainsi sympathise-t-on avec cette Américaine qui, après un accident, perd l’odorat et donc également le goût (sens intrinsèquement reliés), mais plus encore une perception colorée du monde et des relations humaines, qui lui semblent désormais fades. L’odeur humaine joue un rôle prépondérant dans l’attirance sexuelle et peut surplomber tous les autres critères d’attraction, expliqueront ensuite plusieurs experts. En Italie, la caméra de Nguyen part à la recherche de truffes qui se vendent à prix d’or et dont l’art de la récolte se transmet de génération en génération dans la famille de Giorgio Barbotto. Même rareté menant à une flambée des prix chez les parfumeurs qui allongent le porte-feuille pour obtenir de l’ambre gris, une sécrétion intestinale du cachalot dont l’odeur, paraît-il, est divine.

Le documentaire interroge aussi l’œnologue et «créateur d’harmonies» François Chartier, dont les analyses de parfums sont si imagées et si éloquentes qu’elles suscitent d’emblée un enthousiasme contagieux. Plus émouvantes encore sont les interventions de la Française Yu Hui Tseng (d’origine chinoise), maître de cérémonie du thé Gong fu cha, qui décortique les parfums avec une rare précision mais surtout avec une sensibilité accrue et viscérale, jusqu’à en être parcourue de puissants frissons.

Mais ce passionnant long métrage, plus qu’une accumulation de témoignages, est une aventure en images. Bien que le sujet de l’odeur soit difficile à illustrer tant il est abstrait, Nguyen fait un travail très soigné d’illustration et de poétisation des propos des différents intervenants, à travers paysages somptueux et regards insistants sur les textures et reliefs.

En ouverture des Rencontres internationales du documentaire de Montréal le 12 novembre à 19 h au Théâtre Hall de l’Université Concordia

 

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