Noël 2014 : 15 films à voir ou à revoir
On emballe 2014: La langue rapaillée, idées cadeaux et coups de cœur

Noël 2014 : 15 films à voir ou à revoir

1987

À l’instar des American Pie et autres Bring It On de ce monde, le second épisode de la série autofictionnelle de Ricardo Trogi mise tout sur les tribulations de l’adolescent moyen qui se croit un peu ringard. Le scénario n’a rien de révolutionnaire et c’est pourtant grâce à ce synopsis banal que se déploie tout le talent de Trogi, un expert dans l’art de magnifier le quotidien par l’humour. Outre le sens du punch indéniable de Trogi – tant sur le plan du montage serré que des bonnes lignes du texte –, on se surprend à aimer le film pour le message qu’il porte. «Vous voulez qu’on décide de notre avenir à 17 ans, mais pas question d’entrer dans un bar avant 18 ans.» Et si le personnage de Ricardo marquait un point? (C. Genest)

Le grand cahier

Adaptation attendue d’un roman d’Agota Kristof célébré pour sa rigueur formelle et son âpreté remuante, Le grand cahier reprend notamment sa narration aussi ciselée que détachée en voix off. On y retrouve les jumeaux Klaus et Lucas, qui se plieront à des exercices de discipline, de privation et même de cruauté pour que l’art de la survie devienne à leurs yeux une seconde nature. Globe de cristal au Festival international du film de Karlovy Vary, puis présélectionné aux derniers Oscars dans la catégorie du Meilleur film en langue étrangère, Le grand cahier n’est pas sans qualités – rythme soutenu, jeu d’ensemble de belle tenue, riche direction photo –, mais il demeure un film consensuel. (N. Gendron)

La gang des hors-la-loi

Passé de mode, le baseball? Pas dans La gang des hors-la-loi, un 24e Conte pour tous dans lequel une bande d’enfants néo-brunswickois résistent à une mairesse déterminée à transformer leur terrain en dépotoir. Ce film à offrir à vos petits neveux et nièces est aussi fertile en scènes sportives qu’en répliques amusantes ou incisives. La fougue des enfants va graduellement remettre le village sur pied et faire communier trois générations autour du baseball – une symbiose qui se manifeste plus intimement autour du petit Nicolas (André Kasper). Les paysages acadiens de bord de mer donnent à ce film un charme bucolique certain, tout comme ses personnages du troisième âge qui vivent un regain au contact d’une nouvelle génération allumée… et métissée. (P. Couture)

Alex marche à l’amour

Inspiré de La marche à l’amour de Gaston Miron, ce film est une vibrante lettre d’amour à l’Abitibi-Témiscamingue. On y suit le comédien Alexandre Castonguay dans une longue marche de plus de 700 kilomètres sur sa terre natale, alors qu’il mémorise les poèmes de Gaston Miron et les offre en lecture aux passants. C’est un film tissé de belles rencontres et de grandes vérités. Amour d’une femme, amour d’un territoire: ce long métrage rappelle comment Miron savait chanter l’amour de la patrie de manière incarnée, en le comparant à la plus exquise des expériences concupiscentes. (P. Couture)

Casse-tête chinois

Xavier, Wendy, Isabelle et Martine se retrouvent à New York dans Casse-tête chinois de Cédric Klapisch, dernier volet de la trilogie comprenant L’auberge espagnole et Les poupées russes. Maintenant quarantenaires, ils n’en sont pas moins écartelés entre différents désirs et obligations, jonglant avec des remises en question professionnelles et sentimentales de haute voltige. Or c’est surtout la manière intelligente avec laquelle Klapisch manie les codes de la comédie qu’il fait bon de retrouver, de même que sa facilité à traiter d’une multitude d’enjeux sociaux à travers des voies intimistes: homoparentalité, procréation assistée, choc culturel et diversité urbaine se croisent allègrement et bellement au fil des intrigues. (P. Couture)

La vénus à la fourrure

Emmanuelle Seigner trouve l’un des grands rôles de sa carrière auprès de son réalisateur de mari, Roman Polanski, et d’un partenaire de calibre, Mathieu Amalric, dans La Vénus à la fourrure, un huis clos qui synthétise l’univers polanskien et tient son spectateur en haleine. Adapté d’une pièce de David Ives, ce film s’appuie sur des dialogues pour le moins costauds. Seigner y joue l’actrice prête à tout pour obtenir un rôle dans la pièce que prépare un metteur en scène prétentieux, jusqu’à ce qu’il y ait inversion des rôles et des rapports de force. Travestissements, intimité, personnages se révélant monstrueux et pulsionnels sous des dehors civilisés: il y a là des motifs parcourant toute l’œuvre de Polanski. (P. Couture)

Tom à la ferme

Avec ce film tiré d’une pièce de Michel Marc BouchardXavier Dolan a atterri là où on ne l’attendait pas, créant un thriller parfaitement haletant. Notre critique parue en mars en parlait comme d’un film «tirant brillamment profit de la photographie soignée d’André Turpin et de la trame sonore diablement efficace de Gabriel Yared, [où] Dolan s’amuse habilement avec les codes du thriller et du film d’épouvante afin de mettre en relief les travers d’une famille dysfonctionnelle frappée d’ostracisme par la communauté». Le film manœuvre par ailleurs subtilement les confins de la sensualité et de la violence. (P. Couture)

Nymphomaniac – Volume 1 et 2

Ce long film sensuel et par moments explicite a fait énormément jaser depuis Cannes, où les cinéphiles ont découvert ses scènes sexuelles pour le moins graphiques et sa violence crue. Or Lars von Trier offre ici un film intimiste malgré ses dehors spectaculaires: une œuvre reposant sur une longue discussion philosophique entre une femme nymphomane et un homme asexué. Un long parcours érotique fait de sexe triste et de culpabilité, rapprochant le film d’une certaine littérature érotique dans laquelle la passion du sexe est vue comme une pathologie. C’est ce parti pris qui donne au film un potentiel inouï de réflexion sur notre rapport au sexe, qu’il soit sain ou maladif. (P. Couture)

Grand Budapest Hotel

Le génie de Wes Anderson se confirme à nouveau dans l’aventure historique prenant place au Grand Budapest Hotel, tandis qu’un assistant de maître d’hôtel (Tony Revolori) se rappelle les moments de gloire de cet hôtel et de son tenancier, M. Gustave, un gentleman et aventurier original. La république fictive de Zubrowka vivra les remous réels causés par les grandes guerres successives, tandis que la mort guette nos personnages principaux. Filmé et monté avec le même sens aigu de la symétrie, des couleurs et du rythme auxquels on s’est habitués de la part du réalisateur de Life Aquatic et Moonrise Kingdom, ce petit bijou cinématographique présente les performances décapantes d’Adrien BrodyWillem DafoeJeff GoldblumTilda SwintonLéa Seydoux et Jason Schwartzman, entre autres. Un moment magique. (J. Elfassi)

Les garçons et Guillaume, à table!

Ce qui fut d’abord une pièce de théâtre à succès est devenu un film irrésistible, aux personnages délirants. Largement autobiographique, ce film de Guillaume Galienne raconte ses années d’adolescence à se réfugier dans un monde imaginaire inspiré autant de l’univers d’Almodóvar que de celui d’Ivory. Traversé par une intense relation mère-fils, ce long métrage est porté par une grande intelligence comique et des dialogues vivants. Incarnant son propre rôle et celui de sa mère, Guillaume Gallienne s’y montre polyvalent et raffiné. Proche du théâtre, ce film n’est toutefois pas des plus formellement audacieux. (P. Couture)

Enemy

Adaptation du roman Le double de José Saramago, Enemy est la deuxième collaboration du réalisateur Denis Villeneuve et de l’acteur Jake Gyllenhaal. Fable troublante et mystérieuse sur l’identité, le film met en scène un homme découvrant à la télé un homme qui lui est en tous points semblable, et qui décide de se lancer à sa recherche. Le film quittera peu à peu le récit d’identité troublée pour emprunter les chemins d’une étrange sensualité, flirtant avec l’onirisme d’un Lynch ou d’un Cronenberg et tissant une toile de symboles énigmatiques. Denis Villeneuve s’y éclate en multipliant les références tout en conservant sa signature et en y développant un humour subtil. (P. Couture)

Miron un homme revenu d’en dehors du monde

Pour réveiller les plus grands moments d’une mémoire qui s’effrite, Simon Beaulieu convoque la poésie de Miron dans un film qui explore l’œuvre du poète en la juxtaposant au combat de son peuple pour l’émancipation. Dans le montage de Beaulieu et dans les mots de Miron, c’est l’histoire d’un peuple d’ouvriers anonymes qui se mettront en route vers l’affirmation de leur identité. Images d’un clergé en perte de vitesse, images d’hommes au travail, d’assemblées de cuisine, de manifestations pour l’indépendance et d’hiver blanc qui s’allonge sur les routes de campagne: tout se met en place pour rappeler que le nationalisme d’ici fut construit par de petites gens au cœur gros. Un film essentiel. (P. Couture)

Miraculum

Ambitieux film choral écrit par Gabriel Sabourin et ayant pour thèmes la vie, le destin et la foi, le quatrième long métrage de Podz met notamment en vedette la comédienne Marilyn Castonguay dans le rôle d’une infirmière priant ses malades. «En résulte un film étonnamment aussi fluide que fragmenté, écrivait Manon Dumais dans nos pages, dans lequel on avance comme dans un rêve éveillé en tentant de recoller les morceaux du casse-tête.» Comme Bernard Emond avant lui, Podz ose aussi proposer un film sur la foi, dans une société déconfessionnalisée qui s’agite autour des débats sur la laïcité. (P. Couture)

Le capital

Adaptation du roman éponyme de Stéphane Osmont, Le capital de Costa-Gavras met en scène Gad Elmaleh dans le rôle d’un banquier qui vole aux pauvres pour redonner aux riches. Dans nos pages, en janvier 2014, on vous racontait que «le monde dans lequel ces requins de la finance évoluent est élégant, luxueux et raffiné, mais que les personnages s’y amusent comme des gamins, prenant plaisir à manipuler les gens autour d’eux comme des pions, en se souciant peu des dommages collatéraux que provoquent les mises à pied massives». Un film lucide et critique sur les puissants de ce monde. (P. Couture)

Palo Alto

Hyperréaliste et ponctué de très beaux plans nocturnes malgré un scénario limitatif, Palo Alto, le premier film de la nouvelle venue de la famille Coppola, est une chronique somme toute crédible de l’adolescence et de son malaise perpétuel. Gia Coppola se passionne pour l’adolescence et partage cet intérêt pour l’âge des transitions avec le comédien James Franco, qui joue dans ce film adapté de son propre roman le rôle d’un professeur d’éducation physique tombant dans les filets d’une séduisante ado. Or ce film est bien davantage qu’une histoire de relation illicite entre une étudiante et son prof. C’est un film choral, qui croise les destins de quatre ados à la recherche d’eux-mêmes dans une banlieue bétonnée et bien-pensante. Chez Gia Coppola, l’adolescence est observée de manière quasi documentaire, sans tentative de sublimation outrancière. (P. Couture)