Bilan cinéma 2014 : 5 films qui jouent avec les règles de l’art
2014 a présenté son lot de films de super-héros, d’absurdités hollywoodiennes et d’oeuvres paresseuses, mais a également vu jaillir de son sein des œuvres qui sont rentrés en dialogue non seulement avec leurs spectateurs, mais avec le langage cinématographique comme tel.
Voici donc, cinq films ayant exploité intelligemment les limites de la forme en 2014.
1. Boyhood
La prémisse de ce film est tellement simple qu’on se demande pourquoi personne n’y avait pensé avant. En fait, on parle surtout en fiction, puisque Michael Apted avait déjà décidé de suivre une famille en réalisant des documentaires à chaque sept ans pour en documenter le progrès. Mais ici, il s’agit d’une fiction de Richard Linklater dans laquelle on voit le jeune garçon Mason (Ellar Coltraine) grandir d’année en année pour se transformer, devant les yeux attendris d’un public, en jeune homme. Le réalisateur a donc filmé cette œuvre à travers plus d’une décennie, pour ajouter une dose de réalisme au vieillissement et au changement qui se présentent comme les thèmes principaux de ce film, incarné dans chaque pli et chaque poil de nos protagonistes. Un film un peu lent, pas nécessairement un chef d’œuvre cinématographique, mais une idée merveilleuse qui créé un petit bijou, imparfait mais unique.
2. The Tribe
Il s’agit ici d’un film muet en ce sens que tous ses protagonistes le sont. Sans sous-titre accompagnant le langage des signes qui compose l’entièreté du dialogue qu’on y retrouve, ce long métrage réalisé par Myroslav Slaboshpytskiy a lieu dans une école pour sourds et muets qu’intègre tardivement un adolescent esseulé. Tandis que notre protagoniste rentre rapidement dans un monde de violence, de prostitution, de domination et de secrets, le spectateur, lui, se voit soudainement handicapé tandis qu’il plonge dans une communauté dont il ne comprend ni les codes, ni l’histoire. Un dépaysement parfait et sublime, où l’ouïe devient quasiment un sens de trop, dans une communauté qui n’en a plus besoin.
3. Seven Blind Women Filmmakers
Le réalisateur iranien Mohammed Shirvani prend un malin plaisir récurrent à donner une voix à ceux qui n’en ont pas nécessairement. Parfois ça peut être celle des chômeurs, ou celle des épouses consacrées à la cuisine pour leur famille, mais dans ce film au titre particulièrement révélateur, le réalisateur prête sa caméra à sept femmes (l’une d’entre elles décidera de retirer son œuvre à la dernière minute) qui décident de documenter leur quotidien avec l’aide d’une caméra. Que ce soit les tâches ménagères quotidiennes, les discussions corsées avec une tante et un oncle agressifs ou bien la mise en scène d’une revanche amoureuse, le spectateur tombe assez rapidement dans un monde qui lui est étranger. Une découverte fascinante.
4. Mommy
Ce chef d’oeuvre de Xavier Dolan, plutôt récompensé, se passe de présentation. Cette histoire atypique d’une famille imparfaite mais o combien vivante est présentée dans un format plus rare au cinéma ces temps-ci, soit du 1 :1, qui forme un carré parfait, plutôt que le panoramique auquel nous sommes habitués depuis quelques années. Et encore là, rien n’est statique, rien n’est fixé, les personnages du film sont même capables de jouer avec les cadres qui, au lieu de les contraindre, participent à leur épanouissement. Une merveille, autant pour l’esprit assoifé d’une histoire vivante que pour l’esthète désireux de recherche visuelle approfondie. Un succès mérité.
En termes de genre, ce film n’est pas nécessairement si éclaté, s’inscrivant solidement dans la lignée des documenteurs de plus en plus populaires et de plus en plus faciles à réaliser. Ceci dit, le sujet du film lui permet d’errer intelligemment et subtilement entre les genres. Tandis que le réalisateur documente le progrès naturel d’une substance qui se trouve entre le champignon, l’algue et le virus, on navigue entre le faux-documentaire, l’histoire d’horreur, la science-fiction et la parodie. L’invasion biologique présentée dans ce long métrage est crédible, merveilleusement commentée et illustrée avec brio. Un faux documentaire qui crée de réelles angoisses à propos d’une substance qui finit par nous avaler tous : la mort.