Quand l'ONF rencontre les Oculus Rift : L'immersion au Québec: jusqu'ici tout va bien
Cinéma

Quand l’ONF rencontre les Oculus Rift : L’immersion au Québec: jusqu’ici tout va bien

Semblerait-il que l’expérience immersive des Oculus Rift commence à faire son chemin au Québec. Mais à quel point est-ce immersif?

C’est un étrange hasard, ou tout simplement un signe du temps, mais l’ONF lance son site web et son expérience immersive « Jusqu’ici » en même temps que le Journal de Montréal lance Montréal 360, permettant une vue panoramique et tridimensionnelle de la métropole.

Le site web a été lancé plutôt tranquillement cette semaine, et vous pourrez essayer l’expérience étrange de ce personnage blanc courant dans les bois et dans les limbes non seulement sur toutes les plateformes virtuelles à votre disposition, mais également sur les Oculus Rift, ces lunettes virtuelles rapidement achetées par Facebook après leur arrivée spectaculaire sur un marché en demande constante d’innovation et de progrès technologique.

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En effet, pendant la semaine de relâche, donc, vous pourrez vous rendre à l’Excentris pour vivre votre propre expérience immersive, mais la chose sera également possible lors des Rendez-Vous du Cinéma Québécois, à trois occasions différentes. D’ailleurs, Oculus Rift ou non, il faudra vous rendre à ce festival, puisque la programmation est assez incroyable cette année.

Mais c’est quoi, l’immersion?

C’est peut-être ironique, mais le plus grand obstacle aux technologies de l’immersion sont les technologies de l’immersion. En fait, quand on y pense, toutes nos expériences culturelles standardisées (le jeu vidéo surtout, le cinéma, la télévision, la photographie), sont des formes d’immersion auxquelles nous nous sommes habituées, nos cerveaux éliminant inconsciemment les cadres de ces oeuvres créatives.

C’est vraiment une question d’habitude. Un cinéphile voisin vérifiant le contenu de sa boîte aux lettres en pleine projection peut vous faire sortir de l’expérience cinématographique que vous vivez au moment même. Quand on regarde nos téléphones intelligents, nos ordinateurs, nos télévisions, nos yeux se concentrent sur la partie mouvante devant nous; soudain la chambre, le salon, le bus, le bureau sont autant d’abstractions oubliées le temps de l’expérience sensorielle.

Cette concentration personnelle, qui n’a plus l’air d’un effort tant on s’y est habitués, est particulièrement fragile. Même les expériences naturelles ne sont pas à l’abri de la dissonnance cognitive causée par la prise de conscience soudaine de l’expérience. Pensez au fait que vous respirez en ce moment ou que vous clignez des yeux et l’expérience naturelle devient soudainement difficile. Réfléchissez soudainement aux lettres qui composent cette phrase et soudainement lorem ipsum alea jacta es bla bla bla dfhfbwehf.

Et, somme toute, on en est encore là avec les Oculus Rift et nos expériences immersives. Le brainstorm s’est transformé en embryon mais n’est pas encore tout à fait un bébé. Les engins qui seront à votre disposition dans les prochains mois seront imparfaits: tout d’abord parce que les contours du casque ne disparaissent pas quand vous l’enfilez. Vous pouvez bien suivre ce petit bonhomme lors de son aventure psychédélique en forêt mais vous verrez constamment les limites de cet univers 3D: le cadre, somme toute, ne disparaît pas. L’expérience risque d’être plus immersive sur votre ordinateur ou tablette.

Nos débuts

De gauche à droite : Caroline Robert, Philippe Lambert, Édouard Lanctôt-Benoit, Vincent Morisset
De gauche à droite : Caroline Robert, Philippe Lambert, Édouard Lanctôt-Benoit, Vincent Morisset

Il faut cependant souligner cet effort populaire de la part de l’ONF, qui mise sur des (plus-ou-moins) nouvelles technologies pour moderniser son offre culturelle et l’expérience sensorielle des citoyens canadiens. Vincent Morisset, un habitué de l’immersif et de l’intéractif, avait également réalisé le clip intéractif Just a Reflektor de Arcade Fire, une note louable dans une fiche technique assez impeccable et novatrice. De son coté, Philippe Lambert offre une expérience sonore assez unique, où chaque note se présente comme une réaction ponctuelle à vos faits et gestes pendant ce petit jeu vidéo.

Philippe Lambert m’expliquait d’ailleurs que ces limites techniques n’étaient pas toutes accidentelles ou circonstantielles, elles étaient aussi intentionnelles. Le petit personnage blanc qui court, il est nécessaire à notre confort cérébral: il est préférable de contrôler un tiers parti plutôt que de subir, sans contrôle, des changements d’angles et des mouvements de tête tandis que vous restez immobile. Notre cerveau ne réagirait probablement pas bien à ces stimulis contradictoires.

Tout est question d’habitude, j’imagine. Et pour l’instant, l’expérience immersive a encore beaucoup de preuves à faire, notamment, à se montrer davantage immersive que les expériences sensorielles auxquelles nous sommes habituées et dans lesquelles nous nous abandonnons complètement.

Comme un simple texte écrit, par exemple. Bye là.