Fantasia / Miss Hokusai / Ant-Man : Mon père, ce superhéros
Fantasia 2015

Fantasia / Miss Hokusai / Ant-Man : Mon père, ce superhéros

C’est mardi soir que Miss Hokusai et Ant-Man ont ouvert la 19e édition du festival Fantasia, plaçant les questions de paternité et de transmission à l’avant-scène d’une soirée à l’ambiance survoltée.

« Quand Guzzo dit que le cinéma est mort, il faut qu’il vienne à Fantasia ! », a lancé l’énergique Marc Lamothe, codirecteur général de Fantasia, lors de la soirée d’ouverture du festival, faisant référence aux propos controversés qu’avait tenu l’exploitant de salles Vincenzo Guzzo au sujet de l’état du cinéma au Québec. En réponse, les festivaliers, qui pour certains patientaient depuis le milieu de l’après-midi, n’ont pas failli à leur belle réputation. Ils ont d’abord chaleureusement accueilli le cinéaste japonais Keiichi Hara (Colorful), venu présenter Miss Hokusai, son long-métrage d’animation primé par le jury à Annecy et tiré du manga Sarusuberi de Hinako Sugiura, avant de ponctuer d’applaudissements, de oh ! et de ah ! de surprise la projection en 3D de Ant-Man, le petit dernier des studios Marvel. En plus de faire de la relation père/fille l’un des moteurs de leur narration, les deux films ont dédié une grande part de leur intrigue à une exploration joyeuse de l’imaginaire.

D’un jardin d’hiver où l’on s’échange des boules de neige dans Miss Hokusai au petit train miniature d’une chambre de fillette de Ant-Man, les lieux de batailles des deux films en ont témoigné : cette soirée d’ouverture a parlé à l’enfant en chacun de nous. Si le premier film, qui suit le quotidien de l’artiste peintre Hokusai et de sa fille et élève O-Ei dans ce qui sera la future ville de Tokyo, évoque joliment les élans créatifs du point de vue des personnages animés (inspirations qui revêtent à l’écran des formes aussi bien poétiques que monstrueuses), le second a activé l’imaginaire des spectateurs venus en grand nombre, les ramenant directement à l’âge de dix ans, au coeur du plaisir des jeux de l’enfance.

En effet, avec son histoire de père de famille ex-taulard et cambrioleur se transformant en superhéros, Ant-Man a offert une réjouissante variété de séquences ultra ludiques. En contrastant avec le sérieux des films de DC Comics (les Batman de Christopher Nolan ou encore les Watchmen) et la déconstruction de la figure du superhéros opérée par un Kick-ass ou autre Super, le réalisateur Peyton Reed inscrit son Ant-Man tout droit dans le néo courant marvelien de fun et de simplicité qu’ont entamé les Gardiens de la galaxie, présenté par Fantasia l’an passé. Reed fait preuve par ailleurs d’une belle audace en propulsant le comique Paul Rudd (vu chez Judd Apatow) dans le costume du superhéros (cette même audace dont avait fait preuve Tim Burton en faisant enfiler à Michael Keaton les collants de l’homme chauve-souris en 1989). Génial, le comédien incarne à merveille cette idée de « coolitude » suprême et d’invincibilité comique que la prestation de Michael Douglas, dans le rôle du Docteur Hank Pym, vient sublimer (voir l’acteur, survivant du cancer, lancer un fier « I’m still alive ! » vaut son pesant d’or).

Là où Iron Man symbolise l’individualisme américain et la puissance de l’entrepreneuriat et où Captain America rappelle les spectateurs à la loyauté et au patriotisme, Ant-Man célèbre le père, ce guy-next-door et héros de tous les jours, bien à la mode en ce moment de l’Interstellar de Christopher Nolan au tout récent Terminator : Genesis. En plus de réactiver l’idée d’un rêve américain possible (la rédemption et le succès sont à la portée de tous), papa Ant-Man permet à Marvel de disserter à nouveau sur deux axes majeurs de son univers : le libre arbitre quant au choix de faire le bien ou le mal ainsi que l’importance du partage et du collectif pour mieux se comprendre et canaliser ses pouvoirs ( cf. les Avengers). Comme Miss Hokusai, Ant-Man dépeint une relation mouvementée entre un père et sa fille (Evangeline Lilly), et donne matière à penser : quelles valeurs transmettre à ses enfants? (pour le père), que choisir de faire avec ces valeurs? (pour la fille). S’ils façonnent souvent à la dure les femmes des deux films, les pères permettent également, par leurs inflexibilités, doutes et faiblesses, de les faire se révéler, à la fois aux autres et à elles-mêmes. Pas de doute : revaloriser la figure du père dans un monde en pleine crise des valeurs prend tout son sens.

Miss Hokusai sera présenté à nouveau dans le cadre de Fantasia le 25 juillet à midi, au Théâtre Concordia Hall.

Ant-Man sortira en salles le 17 juillet.