Ian Gailer / FCVQ : "Québec c’est une ville qui peut!"
Il travaille huit jours par semaine, pour paraphraser les Beatles, et n’a pas pris congé depuis son ultime traversée du Parc avec ses boîtes. Après avoir propulsé Regard sur le court métrage à des sommets pas mal plus hauts que le pic des Monts Valin, Ian Gailer débarque au FCVQ comme un quasi-sauveur armé de fougue et d’idées.
Entretien avec un cinéphile aussi DJ, un directeur général indéniablement cultivé qui voit au-delà du budget à faire balancer.
Tu es entré en poste en avril dernier. Sens-tu que tu as eu le temps d’ajouter ta touche à la 5e édition du FCVQ?
« Oui. Mais je l’ai fait avec Bill (Olivier Bilodeau). Quand le conseil d’administration m’a embauché, ils m’ont demandé de faire un plan. […] Je ne voulais pas déshabiller Saguenay pour ramener l’expertise ici. Je ne voulais pas piler sur les orteils des RIDM et du FNC irrespectueusement, ne pas être un gros cabochon. Donc il fallait trouver notre niche là-dedans, et on s’est demandé aussi ce qu’il manquait à Québec et qu’est-ce qu’on est à Québec. On s’est mis à réfléchir et on s’est dit que le côté populaire n’était pas assumé par tellement d’autres festivals. Nous, on va l’assumer. »
Mais il y a quand même un pan de votre programmation plus pointu qui a été pensé pour les connaisseurs?
« L’analogie est un peu niaiseuse, mais je l’aime quand même. Assumer notre côté pop, ça ne veut pas dire de tomber dans le mièvre. Souvent on mélange les deux. […] Comparons bêtement un festival de film avec un salon de l’auto. Dans un salon de l’auto, y’a du monde qui vont là pour voir le monde. C’est une sortie. Y’a du monde qui vont là pour voir le nouveau modèle de Mazda CX9. Y’a du monde dans ce monde-là qui veulent aller voir le nouveau système d’injection de la Mazda CX9. Y’en a d’autres qui veulent voir la nouvelle huile qui sert le piston du nouveau système d’injection de la Mazda CX9. Ils sont quatre. Mais si t’es pas capable de les nourrir ces quatre-là, t’es nécessairement un salon de moindre qualité. »
J’ai l’impression que le Klout du FCVQ a comme triplé depuis ton arrivée. Est-ce que ça faisait partie de tes priorités comme administrateur d’avoir un gestionnaire de communauté?
En fait c’est Max-Antoine Guérin et moi: on est deux. […] Ça nous a pris du temps avant de trouver la ligne, mais on s’est dit qu’on devait avoir une personnalité déclinable par rapport à notre identité. Une fois, y’a un gars qui nous a demandé pourquoi on souriait dans nos tags, nous disant que ça ne fonctionnait pas avec un festival crédible. Je lui ai répondu : « Ouais, mais on est aussi des humains ». C’est là où on s’est mis à faire des concours débiles genre « Venez en bécik au festival et… » T’sais, c’est pas parce qu’on aime le cinéma qu’il faut nécessairement intellectualiser chacune des démarches! »
De l’extérieur, ton arrivée laisse croire à un remaniement au sein de l’équipe pour donner un nouvel élan à l’événement. Ressens-tu une certaine pression, celle d’être comme le sauveur du FCVQ?
(Rires) « Ben… j’ai perdu du poids! Remarque que j’ai jamais été très gras… Mais c’est sûr, comment je peux te dire ça, que Québec c’est une ville qui peut, et c’est ben grisant. Y’a pas un besoin d’être petit, y’a pas un besoin d’être meilleur… Mais ça se peut, tu peux le faire! Go big or go home pour certains. Oui, y’a eu le remaniement, mais y’a aussi le désir fondamental pour Québec de se positionner comme une ville de cinéma, une ville de festival. […] C’est clair que tu prends une partie du risque quand t’es à la direction générale, mais c’est un risque que Bill a pris. C’est lui qui a fondé le FCVQ et c’est lui qui me laisse les clés. Il est courageux, il me laisse les clés, mais il garde les doubles, donc on travaille ensemble de très, très près. »
T’aimeras peut-être pas cette question-là. On sait que le commanditaire principal du FCVQ est Québecor et que la Ville de Québec donne aussi beaucoup de sous. Est-ce que ces partenaires-là ont des exigences particulières et que tu dois un peu t’y plier?
Non. Étonnamment, non. C’est pas un off the record, c’est vraiment un non. Pour moi, c’est quand même particulier parce que je viens de Regard sur le court, où on est dans une logique de financement public intégral et sans compromis. […] C’est sûr que c’est un commanditaire important, mais je n’ai pas senti de game politique. C’est sûr qu’ils veulent être vus, qu’ils veulent passer leurs pubs et tout ça, mais je crois que le véritable mécénat les intéresse aussi. Ça s’inscrit un peu dans la ligne de Québecor et Éléphant. »
J’ai une autre question plate, par rapport aux discours des dignitaires aux cérémonies d’ouverture et de fermeture. C’est tellement long, tellement ennuyant à chaque année. Est-ce que tu te donnes le droit de couper ça?
« Oui. […] Notre rôle c’est d’être de bons guides pour les partenaires et quand les gens trouvent ça plate, c’est mauvais pour tout le monde. En général, les partenaires ont bien répondu. Y’en a d’autres pour qui c’est important dans leur stratégie et on respecte ça. »
Cette question-là vient de mon collègue Philippe Couture. Regard est devenu au fil du temps un incontournable dans son domaine en Amérique du Nord et même à l’échelle de l’Occident. Propulser le FCVQ et lui donner plus de poids sur la scène internationale fait-il partie de tes ambitions?
« On a déjà sept festivals qui sont devenus nos collaborateurs en moins de quatre mois. Cet hiver, je vais faire la run des festivals américains. […] Notre deuxième axe de développement, c’est le cinéma indépendant américain, d’où le bilinguisme du festival cette année. Tous les films seront sous-titrés, français en anglais, anglais en français. On a une association avec l’Université Laval justement pour ça. C’est le début de quelque chose. Je parlais de mon désir de réinventer le festival sans piler sur les pieds de personne: hé bien au Québec y’a aucun festival qui fait dans l’indépendant américain. Et pourquoi l’indépendant américain? Y’a quelque chose au niveau de la cinématographie qui est similaire avec ce qu’on fait chez nous, et y’a aussi des possibilités d’échanges. C’est ce qu’on a fait à Saguenay. »
Où est que le cinéma local, celui de Québec, va se positionner là-dedans?
« Il faut faire comprendre que, même si on est chauvins, le FCVQ ne présentera pas systématiquement toutes les œuvres de Québec. […] Des fois y’a des films qui sont moins bons, ça arrive. Y’a des cinéastes qui font des bonnes affaires et des fois y’a des mauvaises journées comme dans n’importe quel métier.
Si on présente tout systématiquement, qu’est-ce que les gens vont penser de Québec? Qu’on fait des moins bonnes affaires? C’est sûr que le volume d’excellent est moins grand que le volume de moyen. Un festival doit présenter du très bien. Et ça, ça rend vraiment service au milieu! »
En terminant, ce serait quoi ton ou tes films coups de cœur de la programmation du FCVQ?
« Je me garde toujours, comment dire, le recul nécessaire parce qu’évidemment on a une compétition. […] C’est sûr que Guibord s’en va-t-en-guerre de Philippe Falardeau, c’est quelque chose. Mais y’en a plein d’autres! Bob and the trees qui est en compétition, Grandma du cinéaste qui a fait American Pie, mais qui est carrément pas American Pie, y’en a vraiment tout plein! Y’a même des associations avec Le Cercle pour vivre leOculus Rift, pour voir la réalité virtuelle. Et Retour vers le futur gratis sur Place d’Youville en VHS. Si on joue la nostalgie, aussi bien de la jouer à fond! »
Festival de cinéma de la ville de Québec (FCVQ)
Du 16 au 27 septembre 2015
Programmation complète via fcvq.ca