The Girl King: Une entrevue avec Michel Marc Bouchard
C’était une reine tiraillée entre tradition et modernité, à la sexualité réprimée par sa société. Après Christine, la reine-garçon, vue au TNM en 2012, le FFM présente la première américaine de The girl king, son film jumeau, sur lequel Michel-Marc Bouchard a travaillé à la demande du réalisateur finlandais Mika Kaurismäki.
Élevée comme un garçon par son père et s’opposant aux traditions luthériennes très conservatrices en vigueur dans son pays, Christine de Suède a reluqué du côté du catholicisme, alors glorieux dans une Rome pompeusement religieuse. C’était aussi une érudite qui adoptait les valeurs très françaises des Lumières. Amie de Descartes et de Pascal, elle dérangeait les élites de son pays par cette inclinaison envers la philosophie.
« Quand elle a voulu faire de son pays un pays sophistiqué semblable à la France de son époque, explique Michel Marc Bouchard, elle s’est heurtée à l’obscurantisme et fut rejetée par ses semblables. C’est ce combat qui m’a intéressé, de même que son tiraillement sexuel – Christine aimait les femmes et ne pouvait vivre librement son orientation sexuelle dans un pays aussi conservateur que le sien. »
C’est une reine hors-norme qui, selon Bouchard, « a eu le courage et la clairvoyance de décider de partir, même si le prix à payer était gros : elle a dû non seulement abdiquer sa couronne mais également renoncer à sa foi ».
«La genèse de cette œuvre est très particulière», confesse l’auteur. Car la scénarisation de ce film racontant la vie de Christine de Suède a en fait précédé l’écriture de la pièce, dans un processus d’allers-retours entre le cinéma et le théâtre, l’un et l’autre invitant l’auteur à de très différents champs de possibles.
The Girl King, ainsi, est un film plus « romantique » que Christine, la reine-garçon, pièce dans laquelle Bouchard inscrivait le destin de Christine dans un arrière-plan social très défini. «J’ai travaillé sur le film en cohésion avec l’équipe finlandaise et, si je puis dire, en écho à la culture finlandaise. Le réalisateur Mika Kaurismäki a été davantage intéressé par la psychologie du personnage et par son trouble intérieur que par son rapport avec le social. Ce qui fait que la pièce et le film sont vraiment des objets très différents.»
Ce qui demeure, c’est le regard très personnel que pose Bouchard sur la reine – un personnage qui lui est d’abord apparu « antipathique ».
« Au Québec, explique-t-il, ce n’est pas vraiment dans notre tradition de glorifier les rois et reines ou de leur tirer le portrait dans des œuvres d’art. Ceux qui ont jalonné notre histoire nous ont oppressés ou abandonnés et je pense qu’on a nécessairement un rapport très trouble avec la royauté. Néanmoins, Christine de Suède est une reine très atypique et c’est à travers sa marginalité qu’elle m’est soudainement apparue d’une grande richesse. »
Pas de grand déploiement dans ce long métrage, toutefois. « Le film demeure dans une tonalité assez intimiste, analyse Bouchard. C’est un film de proximité, loin de l’ampleur typique d’une série historique comme Les Borgias, par exemple. »
En première nord-américaine au Festival des films du monde ce soir, 19h, au Cinéma Impérial et dimanche 6 septembre à 16h30.
Au Festival de cinéma de la ville de Québec les 21 et 24 septembre.