Geneviève Dulude-De Celles / Bienvenue à F.L. : La parole aux jeunes
RIDM 2015

Geneviève Dulude-De Celles / Bienvenue à F.L. : La parole aux jeunes

Dans Bienvenue à F.L., long métrage documentaire présenté en première mondiale au TIFF cette semaine, Geneviève Dulude-De Celles revient dans les corridors de son école secondaire et y rencontre des jeunes franchement inspirants.

La polyvalente Fernand-Lefebvre dessert Sorel-Tracy mais aussi les campagnes environnantes. La réalisatrice Geneviève Dulude-De Celles y a passé cinq ans de sa vie et y est retournée avec son équipe et une caméra dans le but de donner la parole aux jeunes d’aujourd’hui dans ce documentaire très réussi qu’est Bienvenue à F.L.

«Ce qui m’a poussée à retourner là, c’est qu’il y eu une série d’événements où on s’était mis à parler beaucoup de ce qui se passait dans les écoles secondaires, notamment la question de l’intimidation, de la dénonciation, de décrochage scolaire et de violence, explique en entrevue la réalisatrice derrière l’excellent court métrage La coupe. Quand on parlait de ces problématiques-là, c’étaient souvent des adultes qui s’exprimaient sur la question et sur la réalité des jeunes au secondaire et j’étais curieuse de voir ce que les ados eux-mêmes auraient à dire de ça.»

Les yeux rivés vers la caméra, une dizaine de jeunes de F.L., sélectionnés à travers un questionnaire puis des entrevues, discutent à la caméra de leurs ambitions, de leurs désirs, de leur vision de l’école et de l’adolescence avec une belle candeur et une maturité admirable.

«La première étape dans ma recherche a été un atelier de cinéma où j’ai suivi huit jeunes pendant un an. J’ai commencé à faire des exercices d’entrevues avec eux et j’ai été surprise de voir à quel point ils étaient loquaces, matures et très éloquents par rapport à ce qu’ils vivaient. Je trouvais que leur parole faisait beaucoup de sens et que c’est quelque chose qu’on n’entendait pas souvent parce que les jeunes dans une classe sont souvent assis en rangée devant le prof, se taisent et écoutent. Je voulais faire le contraire: leur donner la parole et que ça vienne d’eux. Au fil des entrevues, plus ça allait, plus je gardais les questions vraiment ouvertes, pour pouvoir accueillir ce qu’ils allaient suggérer ou dans quelle direction ils allaient la mener. Au final, ils ont abordé toutes sortes de sujets.»

La caméra suit aussi quelques jeunes dans leur quotidien, hors de l’école. L’un d’entre eux s’amuse à tourner des films de série b dans son sous-sol, par exemple, alors qu’une étudiante se prépare pour son bal de finissant et qu’un autre jeune, lui, ne se plait pas à l’école mais trouve la paix d’esprit en grimpant sur les toits. «Pour moi, y’a vraiment deux pôles dans le film: des jeunes qui se réalisent à travers l’école et d’autres pour qui l’école ne convient pas et qui doivent s’en sortir pour cheminer.»

De ceux qui se réalisent à travers l’école, il y a trois jeunes qui, au cours du tournage de Bienvenue à F.L., ont organisé un projet photo fort inspirant. Sous la gouverne de la photographe NathB et de l’organisation La Caravane du bonheur, les étudiants de la polyvalente ont été jumelés et se sont pris en photo afin de briser certaines barrières sociales et de dynamiser les classes. Les images grand format ont ensuite été tapissées sur les murs de béton à l’extérieur de l’école. Cette idée de projet photo tombait à point pour la réalisatrice soreloise.

«J’ai dit à la photographe que ça serait le fun de coincider ces deux projets-là en même temps parce que ça pourrait être intéressant d’observer à travers un événement de quelle façon les jeunes peuvent parler de l’estime de soi, comment ils peuvent se représenter, comment ça peut changer la cohésion des différents groupes à l’école.»

Et dans les portraits de ces jeunes par Geneviève Dulude-De Celles, les images sont magnifiques. L’esthétisme se rapproche davantage d’une oeuvre de fiction lorsqu’on suit les jeunes hors de l’école, dans leur réalité.

«Dans un certain sens, oui, on suivait le flow de la réalité mais y’a beaucoup de choses qu’on a refait pour prendre le temps de bien se placer. Y’a quand même de la mise en scène là-dedans. Comme dans un processus de fiction, on découpait nos scènes on the spot et on prenait le temps de faire les angles nécessaires, de trouver la bonne lentille et les jeunes ont été super coopératifs.» Elle conclut: «Je m’étais donné comme mandat qu’il n’y ait pas de distance entre ça et la fiction, d’essayer d’avoir la même rigueur au niveau du découpage.»

En salle le 22 janvier 2016

Cette entrevue a été réalisée en marge du Festival de Toronto.
Le film a été présenté à Montréal au RIDM le 14 novembre au Cinéma du Parc et le 18 novembre à l’ExCentris.