Patrick Damien / La démolition familiale : Le poète aux mains tachées d’huile
L’Armageois David Godbout est au cœur du drame gréco-bellechassien réalisé par son ami d’enfance Patrick Damien. Un documentaire sur les derbys de démolition qui va au-delà des chars-pas-de-muffler et du film ethnologique.
« Isabelle Porter du Devoir a déjà écrit un article sur la démolition, où j’étais interviewé, et un lecteur avait commenté en écrivant : “des singes avec des clés de char.” C’est un préjugé que j’ai à combattre en faisant ma promo. » Patrick Damien, un gars d’Armagh exilé à Montréal depuis longtemps, est fier de ses racines, mais conscient des préjugés. De la perception (anticipée) de certains citadins vis-à-vis son film. « Il y a quand même une surface à traverser. L’automobile aujourd’hui est vue comme un mal, on a raison d’avoir des préoccupations écologiques, mais ces gens-là [NDLR : les personnages de son film] sont considérés comme des rednecks par plusieurs. »
Or, Christopher et sa cousine Marika touchent par leur vivacité d’esprit, la profondeur de leurs réflexions, leur résilience. Ensemble, et dans une parlure typée qui rappelle souvent Mommy de Xavier Dolan, ils abordent les mêmes thèmes que d’éminents intellectuels qui auraient passé le trois quarts de leur vie à l’université. Devant l’objectif, ils discutent candidement de leur quête identitaire comme adolescents, du passage au monde adulte, du rôle du père et de la place des femmes dans un monde d’hommes. Autant dire qu’ils ont beaucoup à nous apprendre et qu’ils sont tout sauf des imbéciles.
Ce film-là est aussi une réplique envoyée aux affectateurs des médias généralistes qui malmènent les régions dans leurs pages. Intentionnellement ou non. « Je ne pointe pas forcément les journalistes, mais ils parlent seulement de nous quand ça ne va pas bien. Quand il y a des accidents, des meurtres… Mais est-ce qu’il faut attendre des tragédies aussi graves que Lac Mégantic pour qu’on tende l’oreille vers des gens qui ont beaucoup à dire? On a intérêt à partager leur regard et la démolition c’est un prétexte pour ça, pour donner la parole à ceux qui ont rarement la chance de la prendre. »
On apprend certes beaucoup sur « la démolle » et ses rudiments du garage à la finale de St-Raphaël qui attire de 8000 à 9000 enthousiastes chaque saison. Un vrai phénomène de culture populaire avec un grand potentiel cinématographique toujours selon Damien qui compare La démolition familiale aux documentaires portant sur la boxe. « Je trouvais que le sport avait tout ce qu’il fallait pour être intéressant sur grand écran. C’est coloré, il y a de l’action, des combats, de la stratégie, de la préparation. » Étonnement, c’est seulement le deuxième « vrai » film sur le sujet après Speedo (2003) de l’Américain Jesse Moss.
Boucler la boucle
David Godbout, athlète émérite et vedette locale, a été le premier sujet du cinéaste Patrick Damien dans sa carrière de documentariste aussi intervieweur. Le film incorpore d’ailleurs des archives tournées en VHS, dans les années 90 et bien avant la naissance de sa fille Marika. « À la fin du film, je mets vraiment l’accent sur la relation personnelle que j’avais avec lui, mais ce gars-là a un don pour développer des relations profondes avec un grand nombre de personnes. »
Sans divulgâchi : écrivons seulement que ce film lui rend l’hommage qu’il mérite et que cette œuvre-là, par conséquent, touche droit au cœur.
Samedi 19 septembre à 19h au Cabaret
Jeudi 24 septembre à 19h au Cinéma Cartier
Sortie en salle au printemps 2016
// Patrick Damien présentera également un court-métrage (La crise du cinéaste québécois) dans le cadre du FCVQ. Un film qui met en vedette son amoureuse Édith Paquet et l’acteur français Didier Bourdon. Antoine Bertrand y fait aussi un caméo. En première le dimanche 20 septembre à 19h au Théâtre Les Gros-Becs. (Bande-annonce à visionner ici.)