RIDM / Les vaillants : La force du collectif
En ouverture des Rencontres internationales du documentaire de Montréal (RIDM), Les vaillants est un documentaire d’observation patiente d’une communauté multiethnique défavorisée dans un HLM de Saint-Michel. Rencontre avec le réalisateur Pascal Sanchez.
Il y a Monique, qui vit dans son petit appartement avec quelques oiseaux qu’elle chérit. Il y a Ginette, une bénévole au grand cœur et à l’efficacité manifeste. Ou encore Yimga, intervenante empathique qui coordonne la vie communautaire. Il y a également Élisabeth, une Salvadorienne qui lutte pour trouver du boulot malgré son parcours scolaire hachuré. Tout ce beau monde habite un ensemble d’immeubles à loyer modique du quartier Saint-Michel, véritable petite communauté à l’intérieur d’un quartier dit «difficile», comme un microvillage caché dans les interstices de la ville et fonctionnant selon une organisation sociale précise en parallèle de l’agitation urbaine. Ici, on invente un vivre-ensemble différent, rythmé par l’entraide, malgré des conditions peu enviables.
Quand il a découvert cette petite société en marge d’un quartier davantage connu pour sa criminalité que pour sa chaleur humaine, le réalisateur Pascal Sanchez a été fasciné. «J’ai tout de suite senti qu’il y avait un film qui se cachait là, dit-il. J’y ai vu un modèle intéressant de vie en communauté, quelque chose qui rappelle le village tissé serré d’autrefois mais qui prend les couleurs interculturelles d’aujourd’hui et qui s’organise autour de divers organismes d’entraide au lieu de s’articuler autour d’une administration autoritaire ou de la vie religieuse.»
Évidemment, le réalisateur se réjouissait aussi de pouvoir «renverser les stéréotypes» et d’«aller de l’autre côté du miroir déformant que l’on nous tend constamment au sujet de ce quartier». «Bien sûr, mon regard est biaisé et ne cherche pas à capter l’entièreté de la vie du quartier, qui est peut-être difficile par endroits, mais quand on va là-bas, on voit tout de suite cette solidarité, qui est rarement représentée. Et je trouve ça injuste qu’on porte toujours sur ces gens-là un regard réducteur, teinté d’ignorance. Je ne me vois pas comme un redresseur de torts et je ne souhaite faire la morale à personne, mais j’ai effectivement dû composer avec les fausses représentations de la réalité de ce quartier. En documentaire, le temps fait la différence. On a le luxe de fréquenter les gens longtemps, et je pense que le portrait qui en émerge est plus nuancé.»
Sanchez a en effet passé plus d’un an à filmer ce HLM et les activités qui rythment sa vie communautaire: souper de Noël, épluchette de blé d’Inde, rencontres associatives. Son film raconte la solidarité, mais aussi l’interculturalisme dans ce qu’il a de meilleur. Pas de tensions raciales explosives: l’harmonie semble au rendez-vous et on peine parfois à y croire. «Il y a une manière différente de vivre ensemble qui s’expérimente dans ce HLM, dit-il. Ce n’est pas sans difficulté, mais le travail fait pour alléger les tensions par les intervenants est très efficace. Ils savent apaiser la vie dans la diversité ethnique. Notamment en insistant pour que les gens ne restent pas isolés, pour qu’il y ait une force du collectif.»
C’est un documentaire d’observation qui entre dans la vie des gens directement, sans mise en scène et sans entrevues, façon cinéma direct. Sanchez dit avoir fait avec des images mouvantes un travail patient de photographe. «Je n’avais pas envie de raconter moi-même cette histoire-là, mais plutôt de la laisser se raconter par elle-même. Je voulais capter des instants parlants, tout simplement.»