RIDM : Au-delà de la rivière
Les Rencontres internationales du documentaire offrent aux amoureux éternels un film à leur image. My love, don’t cross that river est une ode tragique à la fragilité de la vie, digne des plus grandes histoires d’amour.
Il s’agit du premier long métrage du documentariste sud-coréen Jin Mo-young, qui a filmé pendant plus d’un an le quotidien d’un couple d’aînés de son pays. Bouleversant, le film relate l’histoire d’amour extraordinaire de gens on ne peut plus ordinaires. Il est ici question de l’Amour, le vrai, qui relève quasiment de la légende et sur lequel fantasme une jeune génération bien souvent cynique.
Mariés depuis 76 ans, Byeongman Jo, 98 ans, et Kyeyeol Kang, 89 ans, se contentent de peu, menant une existence tranquille dans une petite cabane centenaire, au bord d’une rivière. Main dans la main du réveil au coucher, ils vaquent ensemble aux tâches de la vie rurale, toujours vêtus des mêmes vêtements traditionnels assortis. À cette époque de surconsommation – matérielle, mais aussi sentimentale – il est fascinant de voir ce couple se satisfaire du strict nécessaire, vivant littéralement d’amour et d’eau fraîche.
Dès les premières images, on s’attache aux vieux tourtereaux qui, malgré leurs têtes blanches et leurs mines ridées, n’ont rien perdu de leurs cœurs d’enfants. Batailles de feuilles mortes, cueillettes de fleurs, bonshommes de neige, chansons… le duo complice sait comment s’amuser dans la monotonie de la routine. Serait-ce donc le jeu, le secret d’un amour heureux?
Le contraste est saisissant lorsqu’on compare leur mode de vie archaïque à la modernité résolument occidentale qu’ont adoptée leurs six enfants et les autres aînés de la région. Pour Byeongman Jo et Kyeyeol Kang, le temps semble s’être arrêté quelque part dans leur jeunesse, n’ayant pas senti le besoin de suivre le rythme effréné des nouvelles générations. Leur amour en ressort aussi pur qu’au premier jour, n’ayant pas pris une ride.
Très rapidement, on observe Byeongman Jo s’essouffler, s’étouffer, se fatiguer de plus en plus. Lui qui était jadis si fort, comme se plaît à lui rappeler sa douce. Bien que discrète, la mort est bel et bien là, guettant sournoisement le vieillard. Elle devient encore plus présente lorsque des fantômes du passé ressurgissent, nous apprenant qu’en plus d’avoir eu six enfants, Kyeyeol Kang en a perdu tout autant.
La tradition coréenne, qui croit à la vie après la mort, veut qu’on brûle les vêtements des défunts pour qu’ils puissent les porter « de l’autre côté ». C’est ainsi qu’on voit Kyeyeol Kang jeter au feu les vêtements de son mari, ainsi que six petits pyjamas, un vêtement de luxe qu’elle n’a jamais pu se permettre d’offrir à ses enfants défunts durant leurs courtes vies. Le film s’achève sur une scène déchirante rythmée au son des pleurs de la vieille veuve qui se retrouve seule pour la toute première fois.
À l’affiche au Cinéma du Parc le 14 novembre à 14h et le 15 novembre à 16h15.