Maman? Non merci! aux RIDM / Comment ne pas vouloir d'enfants dans une société hyper-nataliste
RIDM 2015

Maman? Non merci! aux RIDM / Comment ne pas vouloir d’enfants dans une société hyper-nataliste

On a cru que les luttes féministes avaient donné aux femmes le luxe du choix. Or, ce n’est peut-être pas le cas du choix de ne pas avoir d’enfants, qui semble encore très socialement brimé, pour les femmes comme d’ailleurs pour les hommes. C’est l’enjeu qu’explore le documentaire Maman, non merci, de Magenta Baribeau, donnant notamment la parole à des femmes épanouies qui ont refusé la maternité.

«Je n’ai jamais eu le désir d’avoir un enfant», disent presque en choeur les femmes interrogées par Magenta Baribeau, qu’elles soient québécoises, wallonnes ou françaises, qu’elles aient 35 ans ou 77 ans. «Dans une société capitaliste et consumériste telle que la nôtre, il est clair que l’on nous encourage à faire des enfants pour fabriquer les consommateurs de demain et tenir en place un système qui, pourtant, va finir par détruire ce monde», dit l’un des hommes s’exprimant au même micro, décidé lui aussi à ne pas obéir aux diktats de la descendance à tout prix. Or, leurs paroles choquent, constate la documentariste.

Les conventions sociales, en 2015, ont réintégré au rang suprême l’image de la famille nucléaire modèle. Que vos raisons de ne pas enfanter soient personnelles ou sociales, on vous regardera d’un air interloqué et vous lancera quelques paroles infantilisantes, disent les intervenants de ce docu qui mise juste.

On se réjouit, devant ce film, de l’acuité des questions qu’il pose et de la qualité de ses intervenants. Ainsi, avec l’auteure et professeure Lucie Joubert, qui a écrit un essai sur la question (L’envers du landau), les nullipares sont mises en perspective à travers l’histoire du féminisme autant que sont déboulonnés tous les mythes (la non-parentalité serait un geste égoïste ou une décision de vivre dans l’incomplétude, par exemple). Avec la psychothérapeute bruxelloise Isabelle Tilmant sont abordées les questions psychologiques: elle tente notamment d’expliquer les mécanismes de la conviction nataliste dans laquelle vivent la majorité des gens.

Puis, en cueillant les témoignages de non-parents de divers horizons qui ont réfléchi très sérieusement à leur décision, le film complète le spectre des points de vue: décisions personnelles reliées au non-désir d’enfant, raisons écologistes ou politiques, désir d’une vie pleine dans laquelle l’identité et la socialisation ne s’effacent pas au profit de l’enfant, conscience d’une capacité de transmettre et redonner à la société sans passer par la parentalité, et tutti quanti. Un détour par Paris confirmera les perspectives étudiées au Québec, puis un passage par Bruxelles permettra la rencontre d’un groupe de non-parents un peu plus militants, les « child free ».

Un documentaire hyper-complet, donc, même si l’auteure, clairement dans le même camp que ses intervenants, n’a pas de prétentions journalistiques et n’offre pas de contre-point. Toutes les nuances sont toutefois cultivées à travers la variété des perspectives présentées. C’est un documentaire classique qui entrecroise les propos récoltés en entrevue, face caméra, sans esthétisation ni travail formel. Mais la chose est fort efficace.

Les 15 et 17 novembre à l’ExCentris dans le cadre des Rencontres internationales du documentaire de Montréal (RIDM)