La programmation du FIFA est dévoilée
Généreux festival permettant la découverte du travail d’artistes passionnants à travers le monde, le Festival international du film sur l’art (FIFA) dévoilait ce matin sa sélection vertigineuse de 170 films. Tour d’horizon.
L’abondance est reine et maîtresse au FIFA : il y aura donc deux films d’ouverture : L’artiste dans son for intérieur, d’Helen Doyle, et Nous autres, les autres, de Jean-Claude Coulbois.
Dans L’artiste dans son for intérieur, la réalisatrice Helen Doyle plonge dans l’univers fantasmagorique de Danielle Marie Chanut, dont l’oeuvre détourne des livres et des objets. À la poursuite des traces de notre inconscient collectif à travers les mythes, les contes et les légendes, la réalisatrice scrute les interstices d’une page ou les fragments d’un coquillage pour y déceler les secrets et les visions chimériques de l’artiste.
Dans Nous autres les autres, un film choral, Jean-Claude Coulbois suit le parcours de cinq créateurs à travers leurs activités théâtrales dans différents quartiers de Montréal de l’automne 2014 à l’été 2015. En découvrant les coulisses de Polyglotte d’Olivier Choinière, de Moi, dans les ruines rouges du siècle d’Olivier Kemeid et de Un, deux, trois, la trilogie identitaire de Mani Soleymanlou, le film brosse le portrait d’une nouvelle génération de dramaturges, auxquels s’ajoutent les comédiens Emmanuel Schwartz et Sasha Samar, soucieux de traduire les complexités du monde contemporain.
Le film de clôture, Un homme de danse, de Marie Brodeur, retrace la carrière de Vincent Warren, qui fut l’inoubliable interprète des chorégraphies de Fernand Nault et de Brian Macdonald, comme du film Pas de deux de Norman McLaren. Il a été pendant deux décennies la figure de proue des Grands Ballets Canadiens. Homme de culture et conservatieur avisé, son legs généreux a permis de créer la Bibliothèque de la danse Vincent-Warren, la plus importante du genre au Canada.
Musique
Deux films s’articulent autour d’un même compositeur : l’Estonien Arvo Pärt. Le documentaire Le paradis perdu — Arvo Pärt / Robert Wilson, de Günter Atteln, permet de découvrir une personnalité hors de l’ordinaire, alors que pendant un an le réalisateur a suivi le compositeur en Estonie, au Vatican et au Japon. La captation du spectacle par Andy Sommer, Arvo Pärt / Robert Wilson: Adam’s Passion, nous permet de saisir l’extraordinaire mise en scène de cette œuvre musicale élaborée par l’un des plus grands hommes de théâtre actuels, à l’intérieur d’une ancienne usine de sous-marins soviétiques située à Tallinn, en Estonie.
The Orchestra. Claudio Abbado and the Musicians of the Mozart Orchestra, de Helmut Failoni et Francesco Merini, rend compte d’une tournée européenne de l’Orchestra Mozart, fondé à Bologne en 2004 par Claudio Abbado, qui s’est déroulée en 2013, un an avant la mort du maestro. Emmanuelle Franc traite, dans Le combat des chefs — Karajan / Bernstein, des destins parallèles et divergents de deux titans qui ont dominé la musique classique du XXe siècle.
Le film de Claudine Pommier, La voix de la kora, retrace l’histoire et l’évolution de cet instrument et explore l’interaction de la musique africaine avec la musique occidentale. Retour | Volver, de Martin Bourgault, parle d’un retour aux sources et aux sons de l’enfance du chanteur Tomas Jensen, qui retourne à Buenos Aires après un exil de 40 ans, où il réalise un nouvel album avec des musiciens argentins. Nicolas Maupied prend prétexte des 40 ans de vie artistique de Renaud pour rendre hommage au chanteur dont les textes et musiques résonnent encore aujourd’hui avec la même intensité dans le documentaire Renaud, on t’a dans la peau.
À l’occasion du centenaire de sa naissance, Michel Viotte fait le portrait du légendaire crooner Frank Sinatra, symbole même du rêve américain dans Frank Sinatra ou l’âge d’or de l’Amérique.
Archéologie
Les sites archéologiques révèlent à la fois la grandeur de ce qui fut et sa disparition. Ainsi Pompei, eternal emotion | Pompéi, émotion éternelle, de Pappi Corsicato, évoque finement ces sentiments contradictoires de vie et de mort qui planent sur les ruines de Pompéi, ville figée au pied du Vésuve. Dans Les génies de la grotte Chauvet, Christian Tran démontre combien la découverte, en 1994, en Ardèche, de la grotte ornée la plus ancienne et la mieux conservée à ce jour ébranle notre vision de l’art et de la préhistoire. Saving Mes Aynak, de Brent E. Huffman, raconte la course contre la montre entreprise par un archéologue afghan pour sauver le site archéologique de Mes Aynak.
Architecture / design / arts décoratifs
Plusieurs films évoquent les grandes aventures que constituent les projets architecturaux. Parmi eux, Facing Up to Mackintosh, de Louise Lockwood, retrace le travail de Steven Holl qui a relevé le défi de créer l’extension de l’École d’art de Glasgow, œuvre emblématique de Charles Rennie Mackintosh. De même, la contribution d’Antoni Gaudí à la cathédrale gothique de Majorque, qu’il décrivait comme un « poème écrit dans la pierre », est évoqué dans The Bishop, the Architect and the Baldachin. Gaudi in the Mallorca Cathedral, de Cesc Muleet.
L’iconoclaste Frank Gehry, dont la carrière est jalonnée de réalisations radicales, fait l’objet de deux films.Getting Frank Gehry, de Sally Aitken, consiste en un survol de ses projets les plus audacieux, et Le vaisseau de verre, de Richard Copans, relate la création du bâtiment de la Fondation Louis Vuitton dédiée à l’art contemporain.
Aventure aussi, celle à laquelle s’est intéressée Juliette Garcias dans Wa Shan, la maison d’hôtes construite par l’architecte Wang Shu (prix Pritzker 2012) à partir de matériaux de récupération et de terre damée. Avec Le grand rêve du Petit Champlain, Isabelle de Blois raconte l’aventure de la rénovation exemplaire du quartier Petit-Champlain dans le Vieux-Québec. Réalisé à l’occasion du 50e anniversaire de sa mort, Le siècle de Le Corbusier / The Century of Le Corbusier, de Juliette Cazavane, établit un dialogue entre l’homme qui a révolutionné l’architecture et les bouleversements du XXe siècle. Roger D’Astous, d’Étienne Desrosiers, fait un retour sur les réalisations de cet élève de Frank Lloyd Wright qui a travaillé toute sa vie à fonder une architecture nordique. Mademoiselle Eiffel rembobine, de Philippe Tourancheau retrace l’histoire de la Tour Eiffel, illustre bâtiment, symbole de Paris et de la France.
Le design est affaire d’expérience. Ainsi Les sièges de Monsieur Paulin, de Danielle Schirman, rappelle que le designer Pierre Paulin, figure de la modernité pendant près de 60 ans, concevait l’assise comme une métaphore de l’être humain. Tobia Scarpa. The Secret Soul of Things | L’anima segreta delle cose, de Alia Romanelli, cherche à saisir comment l’expérience humaine (une lecture dans un fauteuil, un voyage en bateau) est à la source des «objets» de l’univers poétique du designer. Paris et Versailles attirent les regards de deux réalisateurs. Françoise Cros De Fabrique nous invite, dans Les trésors des hôtels particuliers, à franchir le seuil de splendides demeures, merveilles de raffinement et d’architecture généralement fermés au public, pour en découvrir les richesses cachées. Tourné à l’occasion du 300e anniversaire de sa mort, Louix XIV, Roi des arts, de Priscilla Pizzato, se penche sur le règne de ce roi qui fit de sa cour un vaste théâtre, qui mit tous les arts au service de sa gloire et toute sa puissance au service des arts.
Arts de la scène : théâtre et danse
Jean-Sébastien Ouellet, le réalisateur de L’art fait du bien 2, suit les parcours d’hommes et de femmes pour lesquels la pratique du théâtre ou du cirque s’est avérée une planche de salut. Bien qu’ils ne soient plus sous les feux de la rampe, les quatre vedettes québécoises de Toujours artiste, de la réalisatrice Nathalie Ducharme, témoignent de leur passion pour leur métier : Claude Steben, Muriel Millard, Kim Yaroshevskaya et René Caron.
Réalisé à l’occasion de son 75e anniversaire, American Ballet Theatre, de Ric Burns, plonge dans la riche histoire de l’une des plus prestigieuses compagnies de danse classique. Mai Liang, au contraire, s’attarde sur la démarche d’un seul danseur, dans Twist / 非常舞蹈, celui de Hu, un jeune Chinois de 23 ans qu’il a suivi pendant deux ans. Hafid Maï, dans L’esprit vagabond, suit le parcours peu commun des Vagabonds, ce groupe de breakdancers français, dirigé par le chorégraphe autodidacte Mohamed Belarbi, double champions du monde.
Art moderne et contemporain
Des profils d’artistes majeurs sont présentés sous divers angles au FIFA. David Hockney a donné un accès illimité à ses archives personnelles au réalisateur Randall Wright qui en a tiré Hockney, un portrait exhaustif de l’artiste chéri des Britanniques. Jill Nicholls cherche à déceler dans Jeff Koons: Diary of a Seducer ce qui se cache derrière l’artiste le plus provocateur et le plus controversé du monde de l’art contemporain. Debris / Débris, de John Bolton, accompagne Pete Clarkson, artiste de Tofino, en Colombie-Britannique, alors qu’il réalise un monument commémorant le séisme de 2011 de la côte Pacifique du Tohoku à partir d’épaves et de bois déchiqueté échoués sur la plage.
Dans Révérence : projet Monarque, de Jean-Nicolas Orhon, le duo Spazuk-Delhaes unit l’art et la science pour donner une image unique du majestueux papillon monarque dont la survie est menacée. Régine Abadia, dans Viva Dada, revient sur le mouvement dada, cent ans plus tard, laissant les voix de Max Ernst, Tristan Tzara et autres dadaïstes se faire entendre une nouvelle fois.
Art public
L’art public trouve sa place à travers les films À tout hasard : Pierre Bourgault et Lalie Douglas, de Suzanne Guy, qui met en lumière le travail de ces deux artistes de générations différentes, et Bergeron, la suite… dans lequel Martin Fafard et Philippe Lupien démontrent comment la communauté de la ville de l’Assomption s’est rassemblée autour d’un projet de restauration et d’exposition de quatorze sculptures de Germain Bergeron.
Le graffiti appartient-il à l’art public ? Amine Bouziane, dans Graffiti : peintres et vandales, s’interroge sur la culture du graffiti, confrontée à un paradoxe : acceptée et reconnue par la communauté artistique, elle reste pourtant réprimée par la justice.
Art et politique
L’art sonde souvent les relations entre les cultures. Sharing Through the Generations | Le chemin partagé, d’Alain Boisvert, témoigne d’une expérience picturale inédite entre deux artistes de deux communautés, autochtone et allochtone. Mariant art et ethnologie, Voir l’invisible, de Louise Lamarre, donne la parole à des Inuits et s’intéresse à leur art, leur culture, aux paysages réels ou imaginaires du Grand Nord, aux enjeux liés aux changements climatiques.
Sculpture
Plusieurs films explorent le processus de création des artistes. Davide Rivalta – The Look of Innocence / Lo sguardo dell’innocenza, d’Elena Matacena, met en lumière le bestiaire du sculpteur italien, de sa conception dans son atelier aux abords de Bologne à sa réalisation à la fonderie Di Carli à Turin. Sculpting in Colour, de Gerald Fox, suit l’élaboration d’une nouvelle sculpture de Phillip King dans son atelier merveilleusement chaotique de Londres. Alberto Giacometti, Sculptor of the Gaze | Sculpteur du regard, de Charles De Lartigue, analyse le parcours des œuvres et de la vie de celui qui a révolutionné la sculpture du XXe siècle.
Photographie
Le photographe Bertrand Carrière nous entraîne Sur la piste de Fletcher Wade Moses, propriétaire inconnu d’un troublant album de photos de la Première Guerre mondiale. Armé de son Leica, George Zimbel a photographié tout autant des vedettes de la vie politique et culturelle américaines que des petites gens, illustrées dans Zimbelism, de Jean-François Gratton et Matt Zimbel.
Yvan Iturriaga et Raymond Telles retracent dans Pedro E. Guerrero : A Photographer’s Journey, les jalons importants de la vie du photographe Pedro E. Guerrero, mort en 2012, et qui a travaillé auprès des trois grandes figures de l’art américain du XXe siècle : Frank Loyd Wright, Louise Nevelson et Alexander Calder. Jacqueline Salmon – l’art d’avancer masquée explore ses travaux photographiques sur l’architecture et les lieux en mutation dont le destin reflète l’évolution de notre société.
Peinture
Dans Jheronimus Bosch, Touched by the Devil, de Pieter Van Huystee, des historiens de l’art tentent d’élucider le mystère des 25 toiles qui subsistent de Jérôme Bosch : sont-elles toutes de lui ? Alors que David Hammer célèbre, à l’occasion du 400e anniversaire de son décès, le grand peintre espagnol dans El Greco : An Artist’s Odyssey, Jean-Michel Meurice retrace 22 œuvres majeures du Caravage, à Rome, Malte, Paris, Rouen et Montpellier. Tandis que Jean-Paul Fargier, dans Fragonard, les gammes de l’amour, scrute la vie et l’art du peintre dans ses représentations de l’amour, empreintes d’audace et de liberté, Arnaud Xainte reconstitue, dans Le fabuleux destin d’Elisabeth Vigée Le Brun, peintre de Marie-Antoinette, l’existence de cette portraitiste d’exception, accueillie dans toutes les cours européennes.
Dans Chagall, peintre de la musique, Mathilde Deschamps Lotthé explore la passion du peintre pour la musique et la manière dont elle s’inscrit dans son œuvre. Hopi Lebel examine dans Picasso, naissance d’une icône | The Making of the Icon, comment Picasso a construit son mythe, maniant avec autant de génie l’art de la médiatisation que le pinceau.
Cocottes et courtisanes dans l’œil des peintres, de Sandra Paugam, explorent la relation incandescente entre l’art et les prostituées, mais surtout les réponses qu’apporte la peinture moderne, de Manet à Picasso en passant par Degas, Van Gogh et Toulouse-Lautrec, au défi de représenter ces dernières.
Littérature
L’histoire même d’un écrivain se propage souvent à ses personnages, à son œuvre. Ainsi The Alphabet of Fear, de John Albert Jansen, s’intéresse aux racines de l’œuvre d’Herta Müller, Prix Nobel de littérature en 2009, à la peur mortelle et à l’appétit de vivre qui se manifestent dans tous ses écrits. André Schäfer dans My Name Is Fleming, Ian Fleming scrute l’écrivain derrière le personnage de James Bond, un homme dont la vie a tout du roman d’espionnage. The Worlds of Philip K. Dick, de Yann Coquart, plonge dans l’univers d’un extraordinaire écrivain de science-fiction qui, comme un personnage des ses romans, estompe la frontière qui sépare le réel de l’imaginaire, le présent du futur.
Fitzgerald / Hemingway : une question de taille, de Claude Ventura raconte, à partir des lettres qu’ils échangèrent pendant quinze ans, l’amitié complexe entre les écrivains F. Scott Fitzgerald et Ernest Hemingway, où l’admiration côtoie le mépris et où la rivalité n’exclut pas un attachement profond.
Mode
L’univers fascinant de la mode et de ses créateurs occupe une place de choix dans ce 34e FIFA. Et Schiaparelli créa la mode, de Sabine Carbon, dépeint la vie et l’œuvre de cette créatrice de haute couture hors norme, l’une des plus influentes des Années folles. À l’aide d’interviews et d’images d’archives, Stephan Kopecki, dans Yves Saint Laurent / Karl Lagerfeld: une guerre en dentelles, mène l’enquête pour comprendre comment ces deux grandes figures de la mode devinrent des rivaux professionnels. Hubert de Givenchy, symbole d’une élégance à la française simple et raffinée, témoigne pour la première fois des rencontres qui ont façonné son parcours dans le film d’Eric Pellerin De Turckheim, Hubert de Givenchy, un destin Haute Couture | A Life in Haute Couture. Le film Revealing Marie Saint Pierre / Marie Saint Pierre se révèle, de Janice Zolf, retrace la carrière de cette créatrice de mode inspirée qui a réussi à imposer sa griffe à l’échelle internationale.
Le documentaire Le testament d’Alexander McQueen, de Loïc Prigent, accède à l’univers saisissant ainsi qu’aux sources d’inspiration et aux obsessions du créateur britannique, véritable génie de la mode, disparu abruptement en 2010.
Musées et collections
Katharina Von Flotow raconte l’épopée de Ce cher musée, le Musée d’art et d’histoire à Genève, dont le projet de rénovation par l’architecte Jean Nouvel soulève la controverse… depuis 16 ans. Le documentaire Dalí, la dernière grande œuvre | Dalí, la darrera gran obra, de David Pujol, nous entraîne dans l’une des grandes réalisations surréalistes du monde, œuvre synthèse de l’artiste catalan : le Théâtre-Musée Dali à Figueres, inauguré en 1974. Dans La collection qui n’existait pas | The Collection That Did Not Exist, Joachim Olender explore le mouvement de l’art conceptuel, qui a marqué la seconde moitié du XXe siècle, à travers l’importante collection d’Herman Daled acquise par le MoMA en 2011.
Villa Flora, its Collectors, its Artists, de Nathalie David, relate l’histoire des Hahnloser, un couple de collectionneurs de Winterthur, et leur passion pour les Nabis et les Fauves qu’ils ont contribué à faire connaître en Suisse. En temps de guerre, la collection se confond parfois au butin. C’est ce que révèlent Les marchands d’Hitler, de Stéphane Bentura, relatant la découverte à Munich, en 2013, de la fabuleuse collection de Hildebrand Gurlitt, l’incroyable trésor de guerre artistique des nazis.