Les essentiels du FNC 2016
À chaque rentrée, c’est avec impatience que l’on attend la prochaine édition du Festival du nouveau cinéma, car l’équipe du FNC nous a habitués à une programmation dense et originale. Nous avons sélectionné quatre films québécois des plus attendus.
Prank (photo)
Une Porsche jaune, un adolescent en plein effort de défécation et un téléphone pour filmer la scène; c’est ce qui ouvre la bande-annonce du premier long métrage du réalisateur et directeur photo Vincent Biron. Tout de suite, nous pensons à une comédie américaine sortie des années 1980 sur fond de campus banlieusard américain, mais le scénario nous réserve plus que cela. «J’aime beaucoup quand le drame du film d’auteur cohabite avec la comédie», nous dit Biron. «Les scénaristes (Alexandre Auger, Éric K. Boulianne, Marc-André Rioux) et moi sommes tous dans une jonction dans notre vie où nous écrivons du film d’auteur plutôt sérieux. Avec Prank, nous avions envie d’une grande respiration. C’est en ce sens qu’un film comme À l’ouest de Pluton a eu une certaine influence sur le film, dans sa qualité d’auteur, mais surtout dans sa volonté de légèreté.»
Prank est l’histoire de Stefie, un adolescent dodu qui intègre une bande de jeunes nihilistes se filmant en exécutant des coups pendables de type Jackass. Le film s’intéresse à l’âge ingrat et possède une véritable écriture dramatique, ne se contentant pas bêtement d’une succession de sketchs. «La transition entre l’enfance et l’adolescence est un moment marquant pour n’importe quelle culture. D’emblée, c’est l’idée qui s’est imposée à moi. Un film comme Ratcatcher de Lynne Ramsay ou encore un premier film comme Les 400 coups de Truffaut traite exactement de cet état transitoire. Comme premier film, j’assume le fait d’avoir traité de cet état transitoire.»
Assurément un film original qui sort le Québec de son habituel héroïsme noir.
Maudite poutine
Premier long métrage de l’artiste et cinéaste expérimental Karl Lemieux, qui s’est fait connaître pour ses manipulations de pellicule au sein de l’ensemble musical apocalyptique GYBE!, Maudite poutine pose son regard sur le territoire d’enfance du cinéaste près de Kingsey Falls, en plein cœur d’une région à haute teneur en THC. «Le film est une fiction, dit le cinéaste, et il tente de rendre compte de l’énergie particulière qui régnait alors chez moi. Il y avait beaucoup de groupes de musique, les gens travaillaient presque tous dans des usines, et à travers tout cela, la drogue occupait aussi une certaine place, la drogue et les organisations criminelles.»
Le film raconte la relation tendue entre Vincent (Jean-Simon Leduc) et son frère aîné toxicomane Michel (Martin Dubreuil), alors que Vincent doit rembourser un membre de la pègre locale (redoutable Robin Aubert) pour un vol. Le film est un prétexte pour explorer la relation trouble des deux frères et ce qui agite Vincent entre la shop, le local de répétition et la rencontre fugace d’une possible amoureuse.
Filmé en 16mm et en noir et blanc, avec un amour évident pour la lumière, la contemplation sourde des paysages et de la machinerie industrielle, ce premier long métrage s’inscrit en accord avec une filmographie québécoise riche de perdants magnifiques qui gardent en eux de fabuleux élans poétiques. Un film au pari formel audacieux et à l’énergie brute et sans concession.
Ceux qui font les révolutions à moitié n’ont fait que se creuser un tombeau
Le deuxième film de Mathieu Denis et Simon Lavoie arrive six ans après le choc Laurentie. Ce deuxième effort conjoint met en scène quatre activistes dans un Montréal actuel. Ils vivent pour la révolution et sont engagés dans des actions radicales. Ceux qui font les révolutions… est un film total qui utilise les codes du théâtre, de la littérature, de la performance, qui insère des archives du printemps érable et qui se veut un pavé dans la mare de la quiétude libérale et endormie de la Belle Province.
Joints alors qu’ils étaient à quelques heures de présenter leur film en première au TIFF, ils nous ont aidés à décoder un brin leurs intentions. «C’est un film qui s’intéresse au sort des engagés du printemps 2012», nous dit Simon Lavoie. «Ceux qui ont cru au grand soir et ont investi tout leur être dans ces quelques mois de soulèvement. Que sont-ils devenus?»
Le projet est porté par une volonté de tout dérégler, comme une véritable œuvre d’art. «Ce n’est pas un film qui a été créé pour être aimé ou plaisant», de conclure Simon Lavoie. Une véritable entreprise de déconstruction identitaire et de réappropriation par l’art.
Mes nuits feront écho
On a aussi hâte de voir le premier long métrage de Sophie Goyette. La réalisatrice a déjà eu mille vies et est auteure d’une filmographie de cinq courts métrages avec des parcours internationaux exemplaires. Elle qui s’est fait connaître pour son esthétique confidentielle et tout en douceur propose, avec Mes nuits feront écho, un film en trois mouvements, en trois personnages et en trois lieux. Au Québec, au Mexique et en Asie, Éliane (Éliane Préfontaine), Romes (Gerardo Trejoluna) et son père Pablo (Felipe Casanova) posent tous des gestes concrets pour la suite des choses.
«J’ai tenté de me tenir loin de tout exotisme dans ce film. Je tenais à faire voyager le spectateur d’une autre façon que par une imagerie de carte postale. Je leur offre peut-être la possibilité d’un voyage intérieur en partageant avec eux certaines émotions.»
Un voyage que l’on espère plein de rêveries et qui redonnera à la salle de cinéma son plein pouvoir évocateur.