15 ans du Cinéma Beaubien/10 ans du Cinéma du Parc : La renaissance porte fruit
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15 ans du Cinéma Beaubien/10 ans du Cinéma du Parc : La renaissance porte fruit

Le Cinéma Beaubien célèbre ses 15 ans et le Cinéma du Parc fête ses 10 ans. Voilà deux institutions en marge qui maintiennent le cap grâce à des programmations audacieuses rejoignant un public curieux. Entretien avec les dirigeants des deux établissements montréalais.

Les deux cinémas ont vécu des beaux jours comme des tempêtes à travers les années. Le Cinéma Beaubien a eu une autre vie sous le nom Cinéma Dauphin avant sa fermeture en 2001. Mario Fortin, très impliqué dans la mise en marché de films, est appelé à la rescousse, et le cinéma si cher au quartier Rosemont–La Petite-Patrie renaît. Le Cinéma du Parc, construit en 1977, a été le premier multiplexe montréalais avec ses trois salles alors qu’aujourd’hui, c’est le plus petit des multiplexes! Fermé pour une courte durée en 2006, le Cinéma du Parc a été vite repris par l’homme de cinéma Roland Smith et bénéficie depuis le printemps 2013 de l’expertise de M. Fortin à titre de directeur.

Si l’on entend parfois dire que le Cinéma Beaubien et le Cinéma du Parc sont les «derniers» cinémas de répertoire en ville un peu comme si la mort les attendait, le vent est plutôt bon aujourd’hui, alors qu’on fête leurs anniversaires de renaissances et que la vocation des deux cinémas est restée intacte.

«C’est le même défi aux deux endroits: se démarquer de la masse de ce qui est présenté dans les multiplexes, une programmation très bulldozer, indique Mario Fortin, président-directeur général de la corporation du Cinéma Beaubien et du Cinéma du Parc. On veut présenter quelque chose qui suscite une curiosité pour une clientèle plus pointue, plus exigeante, et faire fonctionner les salles pour qu’elles puissent continuer à se développer.»

Le Cinéma Beaubien accueille 225 000 personnes par année selon M. Fortin. Si le sentiment d’appartenance est palpable – «C’est mon cinéma», entend-on dire de la bouche des clients fidèles –, 75% de la clientèle habite hors d’un rayon de trois kilomètres. Les cinéphiles viennent parfois de loin, indique M. Fortin, pour voir un film présenté dans une seule salle au Québec, le Beaubien. Ainsi, le Cinéma Beaubien revigore la vie de quartier et est même un facteur de vente dans le monde immobilier. «On peut marcher sur la rue Beaubien à proximité du cinéma et y a aucun commerce vacant, ils sont tous bien occupés. Et souvent, dans le descriptif des maisons à vendre, c’est inscrit: près du Cinéma Beaubien.»

Jean-François Lamarche et Mario Fortin
Jean-François Lamarche et Mario Fortin / Crédit photo: Antoine Bordeleau

L’avantage d’un cinéma de répertoire et d’un public fidèle, c’est que ce dernier développe une confiance aveugle envers la programmation. «C’était un de mes rêves que les gens aillent au Cinéma Beaubien et se disent: je vais bien trouver un film qui fait mon affaire sur un des cinq écrans. Ç’a été long à bâtir, mais on l’a atteint!», souligne Mario Fortin.

Jean-François Lamarche, directeur général adjoint – films au Cinéma du Parc et au Cinéma Beaubien, indique que les deux endroits se complètent. Lorsqu’un film est plus edgy, il a la possibilité de le présenter sur les écrans du Cinéma du Parc.

Si la clientèle du Cinéma Beaubien est surtout constituée de femmes francophones de 45 ans et plus, au Parc, c’est plus multiculturel. «On attire les jeunes du Ghetto McGill et toutes les communautés. C’est assez bilingue. On va toujours présenter les films possiblement avec des sous-titres français ou anglais pour rejoindre les deux publics», précise Jean-François.

Mais une question s’impose: la révolution Netflix des dernières années a-t-elle changé les habitudes des cinéphiles? «Le problème de Netflix pour nous – ou pour les boutiques, les restaurants et n’importe quelle activité –, c’est que c’est chronophage. Tu écoutes une série pendant des heures et tu restes en jogging donc t’achètes pas de bouffe ni de vêtements. On est pointés comme étant LA cible, mais ça n’affecte pas juste l’industrie du cinéma.»

Le réel défi, selon messieurs Fortin et Lamarche, c’est de se démarquer parmi l’immense offre culturelle à Montréal. «Une personne qui dit “je veux voir ce film-là” n’a peut-être pas le choix de venir chez nous, mais une personne qui dit “je sors avec ma blonde ce soir, je vais où?”, on est dans le buffet de choses qui sont présentées et on doit sortir du lot pour qu’elles décident de venir chez nous plutôt qu’ailleurs. Ça, c’est un challenge puissant.»

Pour ce faire, il faut créer l’événement chez eux. M. Fortin explique que les deux cinémas qu’il gère se tournent de plus en plus vers l’événementiel – sans oublier que son pain et son beurre demeurent la programmation régulière. Les cinémas Beaubien et du Parc présentent des événements spéciaux comme des opéras ou des pièces de théâtre, des projections spéciales avec la présence d’un ou d’une membre de l’équipe ou bien des projections en 35mm de classiques, comme les films de Hitchcock projetés en décembre et janvier dernier au Cinéma du Parc.

Et si l’événementiel leur donne un certain regain d’énergie, qu’en est-il de l’avenir des salles de cinéma à Montréal? Pouvons-nous envisager la construction de nouveaux cinémas qui respectent les conditions d’écoute et de projection des films comme le font le Beaubien et le Parc?

«Y a une volonté de retourner à un modèle comme le Beaubien et la vie de quartier, dit M. Fortin. Ça se parle, mais entre le désir et la réalité, y a hélas beaucoup trop de signes de dollar. Une salle de cinéma, ça ne s’improvise pas et ça coûte très cher. Je souhaite toutefois que ça se réalise et qu’on puisse trouver une façon de faire parce qu’on a besoin à Montréal de trois ou quatre autres Cinéma Beaubien.»