Cinéma

Les terres lointaines aux RVCQ : L’homme dans la machine

Sur un bateau de transport de marchandises, tout petit dans l’immensité océane, huit hommes travaillent, attendent et parfois, se confient à la caméra. C’est ce que nous propose le jeune réalisateur Félix Lamarche avec son premier long métrage documentaire: Les terres lointaines.

Ce n’est pas la première fois que le réalisateur s’intéresse à l’univers maritime. En 2012, le court métrage des hommes à la mer portait un regard sur les matelots de passage à la Maison des marins dans le port de Montréal. «C’est un peu par hasard que je suis tombé sur cet organisme, nous dit-il au bout du fil. C’est un lieu d’accueil pour les marins en escale à Montréal, qui leur fournit une vie sociale à l’extérieur du bateau. J’y ai fait du bénévolat et j’ai fréquenté ces travailleurs. Ils m’ont tout de suite fasciné. Ils sont la face cachée de notre économie de marché et sont à la base des grands commerces internationaux. Sans eux ce système ne tient plus.»

Jeune cinéaste de la Rive-Sud de Montréal, Félix Lamarche n’a pas grandi sur les rives du fleuve Saint-Laurent et n’a pas plus de liens filiaux avec la mer. C’est ce premier film qui lui a donné le goût d’un récit plus long, plus complet. Pour cela, il lui a fallu prendre le large et ainsi trouver un bateau et un capitaine prêts à l’accueillir. «On m’a mis en contact avec un capitaine hollandais assez ouvert à notre présence. Je suis allé le rejoindre à Rotterdam pour un premier séjour de recherche à bord, d’une durée de deux semaines. Nous sommes ensuite repartis début février jusqu’au mois d’avril pour un tournage intense en équipe de deux. Du début à la fin de ces deux mois de tournage nous avons vécu une expérience documentaire totale.»

La scène qui ouvre le film est celle d’une initiation: deux jeunes matelots se font raser la tête. Très réussi, ce plan questionne l’image que l’on reçoit habituellement du marin moyen: entre deux âges, les traits façonnés par le temps et l’océan style capitaine Haddock. Ceux-ci sont dans le début de la vingtaine et entament leur aventure maritime. Ce plan nous invite littéralement à une première traversée. Nous prendrons donc le large avec ces travailleurs de la mer anonymes.

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Le documentariste effectue un repérage des lieux et des choses qui balisent l’espace du paquebot: la salle des machines, les outils qui tanguent avec la mer et la chaîne qui retient l’ancre. Tous ces gestes qui font partie du quotidien en mer sont ainsi évoqués. Lamarche regarde la structure du bateau, la façon qu’il a de fonctionner pour finalement déplacer son regard sur les hommes responsables des opérations. On remarque tout de suite un système à deux dimensions: d’un côté les marins hollandais, le capitaine, les officiers et les jeunes matelots et de l’autre les marins philippins, cuisiniers, hommes à tout faire et matelots. «À l’intérieur même du bateau, il y a une distinction très claire entre deux mondes, nous explique le documentariste. Les Philippins sont en effet de la main-d’oeuvre bon marché pour ces grands armateurs tandis que les Hollandais accèdent plus rapidement à des postes mieux rémunérés. Je trouve que c’est un microcosme révélateur du choc entre les pays développés et les pays en voie de développement. En même temps, sur ce navire, tout l’équipage mangeait ensemble et la liberté de culte était aussi très respectée. Ce n’est pas tous les navires qui ont cet esprit communautaire.»

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Mû par une volonté de représenter la trajectoire et l’univers d’un navire de transport de grande marchandise vu de l’intérieur, Les terres lointaines se penche également sur la façon dont le temps passe en mer. Plusieurs moments de pause, de contemplation de l’homme face à la mer viennent aussi se questionner sur le rapport de l’homme avec l’immensité de l’océan.

«J’ai tenté de mettre en relation les marins avec leur environnement. Pour ce faire, je me devais de mettre en scène celui-ci d’une certaine manière qui refléterait leur vécu particulier. C’est quand même assez unique de vivre dans une grosse machine en fer au milieu de l’océan, ce n’est pas naturel du tout. Cela crée une expérience de vie différente et c’est cette étrangeté que j’espère avoir fait ressortir dans mon film.»

Dans la foulée du très poétique Transatlantique de Félix-Dufour Laperrière, Les terres lointaines réussit à nous faire pénétrer dans un monde bien souvent fermé et anonyme.

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La première mondiale aura lieu le 27 février aux RVCQ. Les terres lointaines prendra ensuite l’affiche au Québec le 24 mars.

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