Cinéma

La Bolduc au grand écran

La Bolduc aura son biopic. Debbie Lynch-White chantera et turlutera les airs de la première grande chansonnière du Québec sur nos écrans quelque part en 2018. Rencontres avec les artistes du film lors d’une visite de plateau.

«C’est quelque chose qui se présente une fois dans une vie, je pense, ce genre de rôle-là», avoue Debbie Lynch-White, attachée depuis longtemps à ce film biographique produit par Caramel Films sur la vie de La Bolduc. «À l’audition, y a deux ans, j’avais lu le scénario au complet. Je me rappelle avoir braillé ma vie juste à découvrir la force de cette femme-là.»

Ce printemps, la comédienne savourait donc chaque journée de tournage. «C’est fou comme actrice de pouvoir jouer autant, tous les jours, toute la journée pendant un mois et demi. C’est une espèce de condensé de gros carré de sable, de gros fun. C’est des grosses journées, mais c’est tellement de la bonne fatigue.»

La Bolduc était une sorte de Louis Cyr à sa manière, une voix attachante qui racontait les maux du quotidien parfois avec humour en pleine période de crise économique. D’où l’importance, enfin, d’un long métrage à la hauteur de la grande artiste qu’elle a été pour le peuple québécois. «C’est une force de la nature. Elle a pavé le chemin, poursuit Debbie Lynch-White. Elle a ouvert la voie à toutes nos chanteuses. Il faut se la rappeler, il faut savoir qu’il y a eu ça pour que nos jeunes sachent d’où on vient.»

Photo : Caramel Films - Laurent Guérin
Photo : Caramel Films – Laurent Guérin

La chanteuse d’origine gaspésienne – Mary Travers de son vrai nom – a traversé des décennies de pauvreté et a élevé quatre enfants avant de connaître la gloire en chanson au Québec. «C’est un peu inattendu son affaire. C’est une mère de famille ben ordinaire qui n’avait pas de plan, explique le scénariste Frédéric Ouellet. C’est un peu comme si aujourd’hui une mère de quatre enfants remportait La Voix et devenait la nouvelle Céline Dion. Ç’a tout bousculé dans sa vie, dans son couple, dans sa famille et dans la société autour d’elle aussi – dans la perception que les gens avaient d’elle.»

Au cœur du film, il y a la relation entre Mary et sa fille Denise – aussi musicienne et qui jouait du piano sur tous ses disques. «La fille est témoin de tout ce qui se passait, donc c’est à travers son regard qu’on découvre La Bolduc», précise le scénariste.

Photo : Caramel Films - Laurent Guérin
Photo : Caramel Films – Laurent Guérin

Le mari de Mary et père de ses enfants, Édouard Bolduc, a aussi un rôle important et intéressant dans cette histoire. Il est victime d’un accident qui l’empêche de travailler et «subit un méchant choc quand sa femme devient soudainement la pourvoyeuse en partant en tournée sur la route», affirme Frédéric Ouellet. Émile Proulx-Cloutier nous en dit plus sur ce rôle complexe et son apport à l’histoire de La Bolduc: «L’homme qui considère que ça fait comme partie de sa dignité de gagner les sous, c’est encore présent chez des Québécois aujourd’hui, mais au moment où l’histoire se passe, c’est complètement farfelu.»

«C’est un homme humilié, poursuit-il. La part sombre ou fragile du film appartient beaucoup à cette trame-là, en contrepartie au plaisir qu’on a à voir La Bolduc chanter et raconter la vie des gens. C’est ça aussi qui est fort. C’est une figure culturelle importante à un moment où rien ne tient. On connaît ses tounes, mais on ne réalise pas le caractère profondément révolutionnaire que cette femme-là porte dans son action sans s’en rendre compte. Son projet n’était pas de changer la société, mais de manger.»

Photo : Caramel Films - Laurent Guérin
Photo : Caramel Films – Laurent Guérin

Pour ce projet ambitieux, le scénariste a plongé dans la littérature autour de La Bolduc pour avoir une meilleure compréhension de la femme qu’elle était, mais aussi sur le contexte de l’époque. «Ce qui m’a frappé et ce que j’ai essayé de faire ressortir dans l’histoire, c’est la différence entre la société d’avant et la société d’aujourd’hui, surtout du point de vue de la condition féminine: La Bolduc a été une pionnière de l’émancipation des femmes en étant une des premières à sortir de sa condition, prendre la parole en public et dire ce qu’elle pense. C’est ce qui est devenu le thème central du film.»

Qu’est-ce que ce récit nous dit sur la société d’aujourd’hui? «Ça nous dit qu’il y a encore du chemin à faire, tranche Debbie Lynch-White. Mais ça fait à peine 100 ans et je trouve quand même qu’il s’est passé beaucoup de choses pour la femme. Ça avance jamais assez vite à notre goût, mais on lui doit beaucoup. Ça résonne encore aujourd’hui. Il faut prendre le flambeau et continuer.»