«J’aime à penser que Ballet Jazz est comme un croisement entre Thelma et Louise et des vidéos de chat.» Voilà l’une des phrases d’accroche du réalisateur Maxime Robin dans sa capsule publiée sur la plateforme de sociofinancement La Ruche, un pitch de vente hilare qui a porté ses fruits. Un an plus tard, le film figure à la sélection officielle du FCVQ.
Ce court métrage, c’est aussi une célébration de l’esthétique kitsch et étrange de Cats. De ses costumes velus et en velours comme de sa gestuelle féline cristallisée, ici, dans le cas présent, par le grand chorégraphe Harold Rhéaume. Un exercice de style qui, vous l’aurez compris, donne son nom au film. «C’est surtout des poses, une attitude, une façon de bouger. Harold a la petite patte folle, il peut être très jazz s’il le veut!» Noémie O’Farrell et Sarah Berthiaume auront été ses élèves.
Les actrices prêtent leurs traits à des interprètes amateures, des banlieusardes étourdies par l’ambition et aveuglées par les lumières de Time Square. Le duo d’adulescentes rêve d’un rôle dans la comédie musicale en ignorant tout de la discipline inhérente à ce genre de contrat. En ce sens, Ballet Jazz critique l’industrie du spectacle et dénonce les mirages véhiculés par ses magnats. Est-ce que tout le monde peut vraiment devenir une star? Maxime Robin n’en est pas si sûr. «Pour un acteur formé dans une école, c’est déstabilisant, disons, de voir toute la culture du vedettariat qu’il y a en ce moment, les idoles instantanées. […] Ce qui est vendu à la télévision, c’est vraiment l’idée d’être connu. Ce n’est pas l’idée de faire de l’art, d’avoir une pratique ou de vouloir exprimer quelque chose par ce médium-là.»
Le récit dénonciateur, si on veut, est tiré d’une courte forme de Simon Boulerice – père de Javotte et Martine à la plage pour ne nommer qu’elles. Inédit, jamais publié, l’enchaînement de répliques avait initialement été écrit pour deux copines soucieuses de briller en audition. «Ce que j’aime dans les héroïnes de Simon, confesse Maxime, c’est qu’elles sont vraiment insupportables, mais, en même temps, tellement touchantes. C’est des petites maudites, sauf que c’est triste parce qu’elles sont toutes seules, au fond, elles sont rejets. C’est ce que j’ai essayé de faire avec Sarah Berthiaume dans le film. Son personnage en mène pas large devant la famille de son amie, mais devient le boss des bécosses dès que la porte d’auto se referme.»
Il y a effectivement un rapport dominée-dominante entre les deux Karine du court métrage. Leur relation amicale légèrement dysfonctionnelle est amplifiée par les deux expressives comédiennes, magnifiée par la mise en scène rigolote de Robin. L’équipe de La vierge folle (la compagnie de Maxime et de Noémie) n’allait quand même pas retenir ses mimiques devant la caméra! «C’est sûr qu’on joue moins gros… Quoique mon film ne donne pas nécessairement dans la subtilité. Moi, j’aime ça! […] Tu sais, on m’a beaucoup fait de remarques sur ma version de La chatte sur un toit brûlant [à La Bordée en 2015]. On me disait que mes personnages étaient hystériques… Mais je leur répondais «ben non, c’est ça que je voulais!» J’ai aussi eu des compliments. Les gens me disent souvent «c’est l’fun travailler avec toi parce qu’il n’y a pas d’affaires de non-jeu». Au contraire! Moi, je veux que les acteurs jouent à fond, qu’ils aient du plaisir. Je crois beaucoup à ça.»
Cette énergie très comique, ces couleurs franches, cette dynamique un tantinet grivoise et presque clownesque constituent en fait la signature de Maxime Robin. C’est sa force, ce pourquoi on l’aime autant.
Ballet Jazz au FCVQ:
Samedi 16 septembre au Palais Montcalm
Mercredi 20 septembre au MNBAQ