Cinéma

Eye on Juliet : Histoire d’amour et surveillance électronique

Le nouveau film du Québécois Kim Nguyen était présenté ce week-end au Festival du nouveau cinéma (FNC). Critique. 

«I am the eye in the sky, looking at you»

Gordon (Joe Cole), travaille à Detroit pour une compagnie pétrolière et surveille à distance, à l’aide d’un robot hexapode, un pipeline en Afrique du Nord. Suite à une rupture amoureuse et déjà blasé du dating à l’ère du prêt-à-jeter, il observe à distance Ayusha (Lina El Arabi), qu’il identifie progressivement comme son âme sœur. Il détourne donc la fonction première du robot pour entrer en contact avec elle et l’aider dans ses projets de fuite.

Eye on Juliet n’est certainement pas le premier film qui traite de la technologie, de l’éthique et des rapports humains à distance. On peut notamment penser au film Good Kill avec Ethan Hawke, à propos des drones américains. Pour Eye on Juliet, un ensemble d’éléments d’actualité ont été mélangés: crise des migrants, surveillance électronique, Tinder, pipelines et relations amoureuses à l’ère de l’information. Ces mots-clés résument le film. Avec son côté voyeur réinventé, le film du Québécois Kim Nguyen pourrait faire penser à Rear Window, mais évacue tout le suspense d’Hitchcock. Au mieux, il s’agit d’une comédie romantique un brin utopiste. Au pire, c’est un manifeste maladroit sur la connexion entre les êtres et la recherche de l’âme sœur, concept pour le moins galvaudé dans le cas présent. 

Ce n’est pas que le film soit mauvais, car dans l’ensemble il est plutôt bien exécuté et plaira sans doute à plusieurs. Cela dit, il n’y a aucun sous-texte, et même si les intentions sont bonnes et que la thèse défendue est louable, le rendement ne convainc pas. Kim Nguyen a prouvé, notamment avec Two Lovers and a Bear sorti l’an dernier, qu’il est capable de réaliser un film nuancé qui ne plante pas des deus ex machina partout. En ce sens, son dernier film regorge de lieux communs peu heureux (amour véritable/mariage arrangé, fuir/rester, passion/devoir, etc.) et passe rapidement sur des événements qui devraient avoir plus d’impact. Il emprunte des raccourcis évidents et la carte de l’«heureux hasard et de la destinée» est jouée et rejouée. Si l’on retrouve ici et là quelques pointes d’humour, le film adopte un ton ambivalent pour faire passer son message. En outre, le regard sur l’Autre et les mœurs locales sont abordés avec un point de vue majoritairement occidental. Cela dit, le film aura habilement révélé le comédien Joe Cole, dont le potentiel a été effleuré dans cette œuvre qui n’est certes pas non plus inintéressante, car elle invite tout de même à la réflexion et se laisse regarder avec un certain plaisir.

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