Whitney : Danse macabre
Cinéma

Whitney : Danse macabre

Même six pieds sous terre, Whitney Houston délasse les foules avec ses frasques et ses peines. Une vie qu’on célèbre trop souvent pour sa fin abrupte, sa conclusion tragique que tous avaient vue venir. Ce documentaire ne fait pas exception à la règle.

Plus que de l’engrais pour presse pipole, qu’une manne qui profite à ces publications qui en tapissent déjà leurs pages frontispices, le nouveau reportage sur Whitney Houston nous replonge dans l’époque qui l’a vue fleurir. Chaque nouveau chapitre, au moyen d’un montage rythmé, d’un pot-pourri d’images-chocs ou colorées, nous remet en contexte et vient asseoir cette grande artiste dans un panorama plus vaste. Whitney Houston, victime de son époque? C’est, en tout cas, ce que le réalisateur Kevin MacDonald semble statuer.

Et qui sommes-nous pour le contredire?

Son film sonde son âme jusqu’aux abysses, au plus creux de son être. C’est une fouille archéologique. “Toute la musique, toutes les histoires, toutes les réponses.” L’affiche rivalise d’ambition, jetant de l’huile sur le feu de nos fascinations. À l’instar d’Amy d’Asif Kapadia (2015), le long-métrage la présente sous la perspective du talent gâché. Un talent rare, de surcroît, une voix prodigieuse, le génie d’une incomprise surperformante dans ce domaine qui catapulte les humains au statut de demi-dieux. Un moule dans lequel tant d’autres ont été placés… On pense à Kurt, on pense à Janis, à Dalida. Les exemples pleuvent et, bien que l’Américaine se frotte à la légende des autres sans rougir, l’angle d’attaque de MacDonald manque de fraîcheur.

Ah! Mais les promesses sont remplies. Les détails inédits, bien que divulgachés dès la première au Festival de Cannes, jutent de toutes part. Des allégations accablantes, des grands frères influents qui se déresponsabilisent, des révélations croustillantes sur ce père qui s’en met plein les poches et la tient loin des cliniques de rehab (d’autres parallèles à faire avec Winehouse), une famille gangrenée jusqu’au noyau. Même sa bienveillante maman, celle qui aura notamment été choriste pour Aretha Franklin, sa coach vocale qui lui aura tout appris, pourrait indirectement être à la base de ses maux. Une relation complexe mise en lumière par Cissy elle-même, charmante dame âgée aux yeux vifs, et les assistantes de Whitney qui ont recueilli ses confidences peu avant sa mort. Le travail de recherche est colossal.

Whitney Houston et son père John (Courtoisie)
Whitney Houston et son père John (Courtoisie)

Les intervenants, innombrables, se relaient à une vitesse folle. L’échantillonnage semble exhaustif. Ce document est une toile d’araignée, un schéma regroupant toutes les personnes qui ont pu façonner sa psyché, l’entraîner vers les paradis artificiels qui ont eu raison d’elle. Très vite, on réalise que son mari Bobby Brown n’était pas le seul vilain de son histoire.

Hélas, la musique n’y tient qu’un rôle de soutien. Il y a certes les fleurs lancées par Clive Davis, celui qui l’a signée chez Arista Records, cette citation de l’arrangeur Rickey Minor au sujet de leur relecture rythmique de l’hymne national au Superbowl de 91. Ces segments, pourtant si intéressants sur le plan artistique, sont courts et rapidement éclipsés par les indiscrétions qui pimentent la biographie de la regrettée musicienne.

Une âme perdue qui se raconte, narre les archives par moments, dévoilant au passage, en introduction, un rêve prémonitoire à glacer le sang. On se vautre dans le pathos, surtout lorsqu’une caméra défile au ralenti dans la chambre d’hôtel qu’il l’a vue mourir, mais la grâce de Whitney se suffit à elle-même. Notre visionnement n’était pas encore tout à fait terminé qu’on avait envie de réécouter sa discographie complète, d’en déterrer les pépites.

Whitney
En salle maintenant

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