Of Fathers and Sons aux RIDM : La fin de l'histoire
Cinéma

Of Fathers and Sons aux RIDM : La fin de l’histoire

Après le bouleversant Return to Homs en 2014, le réalisateur Talal Derki retourne chez lui en Syrie, cette fois-ci à l’intérieur de la cellule familiale d’un des membres du front al-Nosra (une cellule satellite d’Al-Qaïda). Le film de Derki se penche sur l’héritage de la guerre civile syrienne chez les djihadistes. Nous avons discuté avec le réalisateur alors qu’il était à New York pour présenter son film en présélection à la course aux Oscars.

«C’est un film qui traite d’héritage et de transmission. Que lègue cette génération de Syriens à leurs enfants nés dans les bombes et les mines antipersonnelles? Ce film traite d’un pays où règne la dictature; il traite du djihad et du futur de cette nouvelle génération. C’est une tentative de compréhension de l’intérieur du califat. C’est en bref, une histoire familiale.»

Le documentaire de Talal Derki, filmé sur une période de quatre mois, est une incursion dans la famille d’Abu Osama, un démineur du front al-Nosra et un spécialiste des voitures piégées. On y suit la trajectoire de ses deux aînés, Osama et Ayman, alors que leur père continue son travail pour le califat dans la région d’Idlib, sous contrôle des djihadistes.  

«Abu Osama est un criminel responsable d’un des attentats les plus meurtriers de Syrie, à Damas en 2008. Il a été relâché en 2011 par le régime, en compagnie de plein d’autres terroristes. Il a plusieurs fois donné son allégeance à Al-Qaïda depuis 2004. C’est quelqu’un qui n’accepte pas que vous soyez en désaccord avec ses positions.»

Dans le film de Derki, jamais on ne verra une seule femme. Elles sont présentes, mais en arrière-plan; les hommes dominent et décident. Un des personnages du film évoque à un moment une jeune fille de quinze ans, et comment il lui a semoncé de rentrer se rhabiller parce qu’elle était dehors sans son voile.

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Le cercle de la violence

Le film trouble. La violence est présente partout sans jamais être montrée de façon manifeste. Dans le premier film de Derki, la violence était partout exposée: dans les murs explosés de Homs, sur les visages des révolutionnaires adolescents, dans la tête des militaires, sur les murs de la ville éventrée.

«Cette génération a grandi dans une zone de conflit et leur mémoire n’est faite que de souvenirs de guerre», nous explique Derki. «Ils n’ont aucun autre choix et ils ne peuvent pas comprendre aucun autre choix. Au moment où il est né, Osama a été baptisé ainsi en hommage à Oussama ben Laden. Son destin est condamné au djihadisme et à la violence.»  

Ayman et Osama n’ont pas de choix, leur enfance n’existe presque plus et cette scène où on les voit ramener un oiseau à leur père témoigne de façon violente la manière dont la guerre transforme les êtres humains de l’intérieur. Les enfants jouent à la guerre avec cet oiseau et lui tranchent la tête comme leur père fait avec des humains. Plusieurs fois dans le film, on nous présente ces mêmes enfants qui jouent aux soldats et on ne peut que se demander où s’arrêtera la folie guerrière qui est en oeuvre sur le territoire syrien.

«Aujourd’hui, les Syriens ont perdu le contrôle sur ce qui se déroule dans leur pays», dit Derki. Depuis 2012, ce sont des intérêts internationaux qui instrumentalisent la destinée du pays. Les mouvements djihadistes se nourrissent de cette confusion qui a cours en Syrie.»

Le documentaire termine son parcours alors que le plus vieux des fils d’Abu Osama est dans un camp de formation d’al-Nosra. Pour désensibiliser les recrues et les former, on leur tire des balles réelles entre les jambes. L’image est effrayante, à la mesure du film de Talal Derki qu’il faut aller voir pour prendre le pouls d’un monde décadent dans lequel l’impunité règne.

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En première ce soir aux RIDM à 20h30 Cinéma Cineplex Odéon Quartier Latin

Et le 11 novembre dès 21h au Musée des beaux-arts