Portrait du TIFF: Miryam Charles
Cinéma

Portrait du TIFF: Miryam Charles

Miryam Charles envoûtera à coup sûr le Festival international du film de Toronto (TIFF) avec son nouveau court métrage Deuxième génération.

Le TIFF a laissé une place respectable aux réalisatrices québécoises, invitant notamment Sophie Deraspe (Antigone), Louise Archambault (Il pleuvait des oiseaux), Myriam Verreault (Kuessipan) et Chloé Robichaud (Delphine). Un des secrets les mieux gardés de cette édition est toutefois la présence de Miryam Charles.

«J’étais très surprise, confie la cinéaste en entrevue, qui en sera à sa première expérience à ce prestigieux événement. “Vous êtes sûr que vous avez envoyé le courriel à la bonne personne?”»

C’est que son cinéma ne répond à aucune règle. Depuis cinq ans, elle réalise des courts métrages authentiques et poétiques, à la limite de l’expérimentation. Des petits opus marqués par les bateaux (Vers les colonies) et le voyage (Une forteresse), où des individus manquent de voix (Vole, vole tristesse) ou ne parlent pas la même langue (Trois atlas). Des odyssées se déroulant souvent dans les eaux adjacentes d’Haïti, le pays d’origine de ses parents. Un vent de liberté qui a son prix.

«Comme je ne fais pas de dépôt à la SODEC, je n’ai pas vraiment de budget, avoue-t-elle. Je fais les trucs par moi-même: j’enregistre les voix, je fais mon son, mon montage. Je sais que le budget va tourner autour de 800$.»

Miryam Charles

Cela ne paraît pourtant pas à l’écran. Ses images pleines de textures évoquent le rêve où viennent s’échouer des murmures sonores. Travaillant à l’instinct, l’artiste puise dans le moment présent au lieu d’écrire un scénario en bonne et due forme, utilisant des vidéos tournées au hasard lors de ses voyages afin de développer sa narration. Cela crée des histoires uniques sur des personnages perdus en quête de quelque chose.

«C’est tout le temps une recherche de sens, admet celle qui est sensible au cinéma de Marguerite Duras, Ousmane Sembene et Claire Denis. Comme je ne comprends pas très bien les gens, la vie ou les choses, j’essaie de faire du sens.»

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Déjà en bas âge, elle essayait de saisir le sens de films qu’elle voyait, alors que ses parents «très chrétiens» fermaient la télévision lors de scènes plus sensibles. Puis en vieillissant, du monde qui l’entoure, ce qui l’a portée à inscrire une certaine rage dans son art.

«Je me rends compte que j’ai beaucoup de colère face à plein de choses que je ne peux exprimer, note celle qui a été formée à Concordia et qui a débuté en faisant la photographie des films d’Olivier Godin. J’essaie de la mettre dans mes films, mais de façon très douce, qui va avec ma personnalité. Je sais qu’il y a un feu qui brûle.»

Un feu qui est loin de s’éteindre avec Deuxième génération. Au lieu de laisser exploser son énervement – notamment sur des discussions de collègues de travail pendant le scandale de #metoo – dans la vie de tous les jours, elle a décidé de se venger par l’entremise d’un film sibyllin, d’un grand pouvoir de fascination.

Planchant actuellement sur un premier projet de long métrage qui sera produit par Félix Dufour-Laperrière (Ville Neuve), Miryam Charles met momentanément tout de côté pour profiter du mieux qu’elle peut du TIFF… ce qui ne sera pas nécessairement évident.

«Ça me stresse un peu, lance-t-elle en riant. Je dois faire des conférences, aller dans des cocktails et c’est ma phobie. Ce n’est vraiment pas mon truc de parler à plein de monde et je ne sais pas comment je vais m’en sortir… Je pense que je vais passer pas mal de journées à éviter des gens et à aller voir des films!»

Deuxième génération est présenté le 8 septembre