Kuessipan : Quelque chose comme un film important
Porté à l’écran par Myriam Verreault, le livre de Naomi Fontaine s’avère gorgé d’humanité et d’une force inouïe. On l’a vu, on s’en est ému.
Dépeindre Uashat sans cliché ni pathos attribuable au concept du sauveur blanc. Voilà ce à quoi devait aspirer la cinéaste Myriam Verreault, allochtone de son état, en donnant vie aux mots de l’autrice innue Naomi Fontaine. Et c’est précisément ce qu’elle parvient à faire en nous livrant un film habilement construit, dénué de décors inutilement trash et pavé de quelques bonnes blagues visuelles pour désamorcer les drames. Que ceux qui cherchent les images d’une réserve à la pauvreté exacerbée, comme dans un reportage-choc, passent leur chemin d’urgence. Ce long métrage relève un peu du documentaire, parfois, mais c’est surtout autour de la quête de bonheur au sens large que s’articule cette œuvre d’une fine tendresse.
Campée par la vibrante et naturelle Sharon Fontaine-Ishpatao, une révélation à notre sens, l’héroïne principale tranche d’avec les autres personnages qu’on a l’habitude de voir dans les récits initiatiques du même genre. Sa Mikuan Vollant nous rappelle la Lady Bird de Greta Gerwig, par la confiance qu’elle exulte, sa créativité débordante. Elle n’a pas besoin d’un gars pour briller, y parvenant déjà fort bien en ses propres termes, et c’est tant mieux puisque le personnage de Francis (joué par un Étienne Galloy franchement juste et comique) apporte bien plus à l’histoire qu’une première série de papillons dans le ventre. Il symbolise les rencontres parfois maladroites entre ces deux solitudes qui, pourtant, résident à deux minutes de voiture l’une de l’autre. C’est presque mièvre que de l’écrire, de le verbaliser ainsi, mais ce n’est pas moins réel dans le bout de Sept-Îles et à tant d’autres endroits encore au Québec.
Si le roman paru en 2011 se voulait poétiquement évasif, à nos souvenirs qui datent un tantinet, on le concède, cette relecture cinématographique s’ancre dans des actions concrètes, des dialogues réalistes et bien livrés. Après, on ne se sauve pas de la sempiternelle scène de la salle d’eau entre chums de filles, la grosse tendance ces années-ci, de Fabuleuses en passant par Girls, un lieu commun visant chaque fois à illustrer l’amitié vraie unissant deux jeunes femmes. C’est du déjà-vu, on en a un peu soupé, mais c’est réellement le seul micro-irritant de ce formidable film qui parvient à atteindre sa cible. Celle de rapprocher deux peuples qui se ressemblent tant, mais qui ne se contentent, finalement, que de se frôler de temps en temps.
Kuessipan se veut à la fois une carte postale et une lettre d’amour, une ode aux filles au ventre rond qui vieillissent trop vite (mention spéciale à la touchante Yamie Grégoire) et n’ont que faire de prendre la parole pour se raconter. Elles n’en ont pas le temps, bien souvent, mais Naomi Fontaine leur prête sa plume, leur donne une voix.
Kuessipan
Mercredi 18 septembre à 20h
Palais Montcalm
(Dans le cadre du FCVQ)
En salle partout au Québec le 4 octobre
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