Wilcox : La liberté à tout prix
Cinéma

Wilcox : La liberté à tout prix

S’il y a quelqu’un qui est bien seul sur son île, c’est Denis Côté. Le voilà déjà de retour avec Wilcox, un 12e long métrage qui n’aurait pu être réalisé que par lui-même.

Les braises de Répertoire des villes disparues sont encore chaudes que le cinéaste arpente à nouveau des paysages fantomatiques à côté de la civilisation. Il le fait cette fois par l’entremise d’une fiction sur un homme à la quête insaisissable qui erre dans la nature.

« J’ai commencé à lire sur des ermites célèbres, essayer de comprendre ce qui leur passe par la tête et très vite, j’ai compris que ça ne donnerait rien d’essayer de faire un film psychologisant », explique le réalisateur en entrevue, le lendemain où Wilcox a remporté le prix spécial du jury de la compétition nationale longs métrages aux Rencontres internationales du documentaire de Montréal.

Inspiratrice et Commandant / GreenGround

Le créateur de Curling et Vic + Flo ont vu un ours a alors décidé d’embrasser cette marginalité jusque dans sa mise en scène sensorielle, afin de créer un magnétique objet de rêverie.

« Je ne pouvais pas entrer dans la tête du personnage, se rappelle-t-il. Je ne peux pas le comprendre et ces gens-là veulent qu’on ne sache rien d’eux. J’ai donc travaillé à créer de la distance avec le public. Il y a toujours des obstructions visuelles, de la distorsion dans l’image. Ça ne permet pas l’identification au personnage et on est vraiment obligé d’essayer de lui inventer une identité. »

Un travail qui se répercute également sur le plan sonore, avec cette absence de dialogues et ce son généralement non synchrone, bercé d’une intrigante ambiance électro-acoustique de Roger Tellier-Craig (Godspeed Your! Black Emperor, Fly Pan Am) qui rappelle l’univers de Philippe Grandrieux.

Denis Côté s’est d’ailleurs entouré d’une équipe de rêve avec François Messier-Rheault à la caméra, Matthew Rankin au montage et Jean-François Caissy à la prise de son. Un surplus de talent pour un ovni monté en cinq jours qui a coûté environ 11 000 dollars, sans l’aide des institutions.

« Il y a personne en ville qui ferait ce film – et même un court métrage – à ce montant-là, soutient l’homme derrière Les états nordiques. Mais c’est possible. Les gens sont freinés par les ressources, alors qu’ils ne comprennent pas que la liberté et un minuscule budget te permettent une vision différente. »

Une liberté qui s’apparente à celle du héros de Wilcox et que revendique haut et fort son auteur avec ses oeuvres laboratoires, que ce soit Bestiaire, Que ta joie demeure et Ta peau si lisse.

« Ces films-là ont une fonction revigorante, admet le principal intéressé, qui est constamment dans les festivals pour les présenter. Le fait de les faire sans aucune pression, tu n’as pas idée comment ça me donne de l’énergie pour retourner écrire un autre scénario… Tu as l’impression d’être invincible, que tu as le droit de tout faire. Il y a quelque chose qui rend fier de dire je ne suis attaché à aucune règle, à l’industrie. »

Cela lui permet de s’amuser avec le cinéphile, à déjouer constamment ses attentes, à explorer des zones inattendues.

« Ce ne sont pas des objets de provocation hermétiques, symboliques et métaphoriques qui ont quatre niveaux de lecture, lance en riant le cinéaste. Ce sont des objets ouverts, des perches tendues aux spectateurs. Il n’y a pas de secret caché en dessous de ce film-là. C’est quelque chose que tu prends en bloc ou que tu rejettes en bloc. Ce n’est pas quelque chose que tu déchiffres. Oui c’est hypnotique, immersif. Mais ce n’est pas radical ou même expérimental. C’est juste une autre façon de raconter ou de ne pas raconter une histoire. »

 

Au Cinéma Moderne à partir du 27 novembre et à la Cinémathèque québécoise dès le 10 décembre.

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