Réalisatrice de clips pour Beyoncé, Melina Matsoukas signe son 1er film
Le septième art afro-américain a le vent dans les voiles depuis le succès de Black Panther, offrant chaque année des oeuvres importantes qui sont de plus en plus représentatives et inclusives. La plus récentes est Queen & Slim de Melina Matsoukas.
« Ce film est une véritable lettre d’amour à la population noire, lance au bout du fil sa réalisatrice. C’est une méditation sur l’expérience noire, notre façon de vivre, comment les traumas nous obligent à être résilients. »
C’est d’autant plus flagrant dans une ville anonyme des États-Unis où le racisme demeure encore latent. De quoi sceller à jamais le destin de Queen (Jodie Turner-Smith) et Slim (Daniel Kaluuya) le soir où une malheureuse dispute coûte la vie à un policier blanc. Atterrés et désemparés, ils décident de partir sur la route, les grands espaces américains devenant la métaphore de leur désir d’expiation et de rédemption.
Plusieurs cinéphiles verront là un croisement entre les succès cultes Bonnie & Clyde et Thelma & Louise, un road movie à la fois social, politique et économique qui s’approprie les codes du genre de recettes gagnantes.
« Mais je n’aime pas ces comparaison, avoue la cinéaste américaine de 38 ans, qui a travaillé à partir d’un scénario de Lena Waithe. C’est très différent et il ne faut pas simplifier. C’est important d’avoir nos propres histoires, de développer notre univers personnel. Qui s’avère ici honnête, empathique et réaliste, car inscrit selon une perspective noire, où l’on se trouve notamment dans la peau d’une personne pauvre et de couleur qui est pourchassée par un policier. »
Queen & Slim s’inscrit donc dans l’élaboration d’une nouvelle mythologie, la création de modèles propres comme le fut Shaft dans les années 70. Malgré quelques influences – Belly d’Hype Williams dans la façon d’affermir la narration, In the Mood for Love de Wong Kar-wai pour son utilisation de la couleur et de la lumière, Y tu mama tambien pour son climat de sensualité – qui peuvent se faire ressentir, Melina Matsoukas utilise son expérience de la télévision (Master of None) et de la musique (elle a remporté des Grammy pour des clips de Beyoncé et Rihanna) afin de parfaire son style unique au sein de ce premier long métrage authentique.
Le film rejoint d’ailleurs cette prolifique nouvelle vague du cinéma afro-américain qui déferle depuis quelques années, célébrant des auteurs majeurs comme Barry Jenkins (Moonlight), Steve McQueen (12 Years a Slave), Ava DuVernay (Selma) et Jordan Peele (Get Out), ainsi que des opus importants – tels Sorry to Bother You et The Last Black Man in San Francisco – qui traitent de thèmes nécessaires.
« Tout ça est très beau et encourageant de soutenir cet immense talent-là. Mais ça pourrait aller encore plus loin, affirme l’énergique réalisatrice. Il faut continuer à pousser constamment pour célébrer la diversité devant et derrière l’écran, à tous les niveaux. Le public est prêt pour ça et il faut multiplier les ponts afin d’être encore plus représentatif et inclusif, que ce type de films devienne la norme et pas seulement des exceptions dans l’industrie. »
Peut-être plus accessible que ses prédécesseurs, Queen & Slim répond à la violence, au racisme et à l’intolérance par l’amour envers le genre humain, peu importe la couleur de la peau. Qui s’exprime selon la passion naissante entre les deux héros et les nombreuses rencontres qu’ils feront.
« C’est une particularité de la communauté noire, relève Melina Matsoukas. Il y a un côté romantique à ça. Comment la communauté te protège de la répression, qu’elle peut former un cocon de résistance. C’est représentatif de la réalité et je voulais l’inclure pour montrer le pouvoir d’être ensemble, d’être uni afin de créer une grande famille. »
À l’affiche le 27 novembre
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