La Belle époque : Fanny Ardant et moi
Icône du cinéma français, Fanny Ardant trouve dans La belle époque un nouveau rôle de femme libre et forte qui lui permet de revisiter son passé.
Ultime muse de Truffaut, Fanny Ardant a tourné avec les plus grands (Resnais, Varda, Scola, Pollack), insufflant à ses personnages son sceau personnel et immédiatement reconnaissable, où la passion et le romanesque ne sont jamais bien loin.
Pour l’entremise de La belle époque de Nicolas Bedos, elle délaisse son mari (Daniel Auteuil), qui obtient la chance grâce au jeu d’un ami (Guillaume Canet) de retourner 40 ans en arrière afin de revivre sa rencontre avec son grand amour.
Discussion avec une des dernières grandes dames du septième art, dont la voix grave a bercé plus d’une cinéphilie…
Quelle façon originale que le héros trouve dans ce film pour dialoguer avec la femme qu’il aime…
Oui, j’ai beaucoup aimé. Mon personnage se bat ultimement pour réveiller son mari, pour retrouver ce qui les avait unis au départ. Elle s’ennuie… Elle s’aperçoit que c’est avec lui qu’elle a tout partagé. Ils pensaient les mêmes choses, mais avec le temps, les choses perdent de leur force alors que mon personnage, lui, n’a pas perdu sa force.
C’est une comédie dramatique sur les secondes chances. Vous aimeriez pouvoir remonter le fil du temps?
Je crois que mes souvenirs sont tellement forts et que je les visite tellement souvent que je n’aurais jamais besoin d’une telle technologie. Parce qu’il y a dans ma tête une boîte où il y a tout ce que j’ai vécu et que je peux revisiter à volonté.
Vous êtes de nature nostalgique?
Oui, je suis très nostalgique. Je suis très dans le moment présent, très dans le passé et jamais dans le futur. La nostalgie, je trouve ça très positif, parce que ça permet de ne jamais oublier d’où l’on vient, ce qui s’est passé. On est fabriqué de nostalgie.
Dans ce film, les changements technologiques causent tout un émoi…
Je me rappelle toujours cette phrase de Hannah Arendt qui disait «La dégradante obligation d’être de son temps». La modernité, c’est comme un étalage au marché. Vous n’êtes pas obligé de tout prendre. Je déteste les réseaux sociaux. Mais j’ai un téléphone portable, j’ai un ordinateur et je prends l’ascenseur, des avions. Sauf que je lis des livres en papier et j’écris encore des lettres. Je trouve que de s’adapter trop vite à la modernité, il y a une forme de fascisme. Il faut garder une ambiguïté.
Ce que ne fait pas votre personnage…
Elle se ment à elle-même. Si vous remarquez, on peut parler de la modernité des techniques, mais l’être humain ne change pas. Il n’a pas changé depuis l’Iliade et l’Odyssée. Il est toujours le même. Il y a les grands sentiments humains, que ce soit l’amour, la haine, l’envie, la jalousie, la bonté, la générosité. Ce n’est pas trois petits trucs d’ordinateur qui vont les changer ces trucs.
Alors comment s’adapter au monde en demeurant soi-même? Comment vieillir en ne perdant pas le feu sacré, se nourrir d’expériences sans oublier son essence première? Car tout le monde change, ce qui peut altérer le bonheur, notre conception du monde et l’amour dans ce cas-ci…
C’est une lutte. Il ne faut pas se faire avoir ni par la gloire ni par l’argent ni par le pouvoir. Il faut garder ce côté qu’on avait vers l’âge de 15 ans. Je situe toujours le début de la vie vers 15 ans. Il faut garder ce qu’on avait dans son disque dur originel. Il faut se rester fidèle. C’est un choix de faire attention. Donc si c’est un choix, c’est une lutte. Vous vous rappelez de la fable du loup et du chien?
Bien sûr!
Il y a ceux qui préfèrent être un chien et il y a ceux qui préfèrent être un loup. Nos sociétés nous apprennent à détester les loups. Pourquoi? Parce qu’il est libre. On ne peut pas le domestiquer comme ça.
À l’affiche le 13 décembre
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