Anne Dorval est la mer intérieure de 14 jours 12 nuits
Dans le long métrage 14 jours 12 nuits, Anne Dorval s’affiche plus que jamais comme la mère du cinéma québécois.
Le cinéphile a grandi avec sa voix familière qu’elle prête pour doubler de nombreuses animations. Au fil des années et des projets, Anne Dorval est devenue la figure maternelle du septième art. D’abord grâce à Xavier Dolan, évidemment, qui lui a permis de marquer les esprits avec Mommy et J’ai tué ma mère. Puis en élargissant son registre, en apparaissant au sein de productions françaises comme Réparer les vivants et Jalouse.
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« Les personnages de mère sont inépuisables, rappelle l’actrice en entrevue. Et ça se trouve que j’en suis une. J’ai tendance à mieux comprendre les autres mères que celle que je suis. Justement parce que je trouve que j’ai tous les défauts comme mère, peut-être que j’ai envie de réhabiliter les mères que les gens vont imaginer dans les scénarios. J’ai envie de les défendre. »
Elle campe dans 14 jours 12 nuits de Jean-Philippe Duval (Dédé à travers les brumes) une océanographe – donc une adepte des mers – toujours endeuillée par le décès de sa fille adoptive. « Tout se passe dans les regards, une retenue où il y a tout à jouer sans trop de mots, explique la comédienne. C’est quelque chose que je n’ai jamais fait. Mais ce n’est pas un rôle de composition ou un contre-emploi. C’est un personnage qui est dans un silence, qui veut que la douleur passe. »
Pour y arriver, elle décide de partir au Vietnam afin de mieux connaître le pays d’origine de sa fille. Un voyage identitaire et introspectif au fil de souvenirs déconstruits. Une véritable odyssée pour son interprète qui est passée par toute la gamme des émotions.
« J’ai pogné un virus dans l’avion et je me suis retrouvé deux jours à l’hôpital d’Hanoi, se remémore celle qui en était à son premier voyage en Asie. Et je m’ennuyais de mes enfants. D’un coup qu’ils meurent ou qu’ils n’ont rien à manger, que moi je meure? Ça devenait des grosses questions existentielles. Je suis quand même partie un mois et demi. Il y avait cette culpabilité… même si mes enfants étaient vraiment contents que je m’en aille pour faire des partys à la maison. »
Le périple fut tout de même fructueux. L’héroïne finit par un concours de circonstances à retrouver la mère biologique (excellente Léanna Chea, nommée aux prix Écrans canadiens dans un rôle de soutien) de sa fille décédée, nouant une amitié en attendant que la vérité soit révélée au grand jour. Une relation complexe qui devient la métaphore de ces lendemains douloureux mais remplis d’espoir d’un pays comme le Vietnam dont les habitants sont toujours debout et fiers malgré les horreurs des guerres passées.
« C’est un film plein de lumière sur la réconciliation, sur le pardon et je trouve qu’on en a bien besoin », évoque Anne Dorval.
Les fantômes d’hier ne tardent pas à émaner de cette oeuvre lente et contemplative, bercée par les magnifiques images d’Yves Bélanger. Celui de la regrettée chanteuse Lhasa de Sela agit d’ailleurs comme un baume sur les plaies.
« La chanson La marée haute m’a toujours bouleversé, admet le cinéaste Jean-Philippe Duval, qui a travaillé à partir du scénario très personnel de Marie Vien. Je trouvais ça beau que cette mère se rapproche de sa fille par la musique qu’elle écoutait. On a eu accès aux bandes maîtresses originales des disques de Lhasa. Je voulais la voix de Lhasa au plus pure. Ce n’est pas dans un contexte d’album, mais dans un contexte adapté au cinéma. On a l’impression qu’elle chante pour le film. »