Samuel Murdock (un internaute qu'on connaît aussi comme musicien aux multiples facettes) écrit en réaction à mon entrée sur Pulp et Jarvis Cocker du 13 novembre dernier dans laquelle j'affirmais avoir été déçue par We Love Life, le dernier album que Pulp ait livré en 2001:
[.] je ne pense pas que We love life soit une déception. C'était plus mature et senti. Cela fait une magnifique trilogie avec Different Class, qui était la révolte juvénile, This is hardcore, la désillusion majeur. We love life est le constat d'un homme calme et un peu plus en paix, et je vais comprendre encore mieux le disque à la fin de la trentaine.
Un commentaire qui a provoqué deux choses chez moi:
1 J'ai ressorti le cd en question que je n'avais probablement pas touché depuis son année de parution. Constat: c'est vrai, ce disque recèle des chansons d'une infinie beauté. Je pense à The Trees, à I Love Life et à The Birds in your Gardens dont les arrangements somptueux viennent faire équilibre à la voix d'un Cocker plus posé. Et vrai aussi que l'aspect énergique et dansant des premiers albums n'est plus au rendez-vous (pas de bombe à la Common People), mais ce, au profit d'une introspection qui procure d' apaisants bienfaits.
Considérant que le disque ait été renommé à la dernière minute en réaction aux événements de septembre 2001, on peut comprendre que, malgré tout cet album s'est voulu porteur de bonnes nouvelles.
2 Toujours en réaction avec ce commentaire, je me suis aussi questionnée par rapport à sa dernière affirmation: qu'il comprendra encore mieux l'album à la fin de la trentaine. Qu'est-ce que l'âge a à voir avec l'appréciation de certains genres musicaux, comme le rock notamment? Beaucoup m'a-t-il semblé. En fait, cela a suscité un questionnement plus large quant au rapport entretenu entre l'âge et l'intérêt porté à la musique. De toute évidence la musique est intimement liée à la jeunesse (juste à constater la moyenne d'âge du public dans les spectacles!). À l'adolescence et au début de l'âge adulte, elle est extrêmement présente dans les vies de plusieurs. Elle participe chez certains au développement d'un sentiment d'appartenance à un style ou à un courant, voire à une quête identitaire. Elle procure des modèles et se fait miroir d'une fougue typiquement juvénile.
Mais pourquoi, pour la majorité des gens, ce lien s'effiloche tranquillement au fil des ans? Est-ce que la curiosité n'est plus aussi vive car les préoccupations du quotidien ont pris le dessus?
Notre point de vue sur la musique s’altère avec le temps. De mon point de vue, ma génération (qui entre dans la trentaine) se divise en deux groupes plus ou moins distincts:
Pour certains, l’étape de l’expérimentation est terminée. Dans leur cas, la musique est probablement plus associée à une quête identitaire qu’ils considèrent comme achevée. Ceux-là vont souvent se contenter de leur discographie ou des radios commerciales et seront bientôt de fidèles auditeurs de Musimax.
Pour d’autres, les courants émergents sont souvent bienvenus, bien que ça ne soit quelquefois que pour bien paraître. Ils disent avoir une oreille entraînée et ouverte qui les porte à aborder la nouveauté en la mettant en relation avec ce qu’ils ont déjà entendus.
Normal donc que, pour certains, la même musique sonne différement à quelques années de décalage. Je ne crois pas que la musique soit une science exacte mais bien un art qu’on aborde avec une grand dose d’émotivité.
Je parle de la fin trentaine parce que c’était l’âge de Jarvis Cocker lorsque We love life est paru. Je fessais référence à son cheminement, son approche et ses réflexions sur la vie. Je ne voulais pas faire de parallèle avec l’appréciation de certains genres musicaux et l’âge. Je n’étais pas encore née en 1978 lors de la formation de Pulp, et je comprends de plus en plus le Pulp des années 80 et celui des années 90. We love life, est effectivement un disque moins méchant et dansant, c’est de la musique jeune et inspirée avec la sagesse et le sarcasme d’un homme de 38 ans.
Le lien avec la musique ne s’effiloche pas au fil des ans, c’est la curiosité qui fait place à une perpétuelle nostalgie pour les quelques mots, sons et images qui nous ont émerveillé étant jeune.
Les gens on tellement aimé ces chansons avec passion, qu’ils n’ont plus suffisamment d’amour pour pleinement apprécier. Ils jouent le jeu des comparaisons.
« .Drove to the airport thru’ a traffic jam; a deer lay dying in the road. Maybe I should have seen it as some kind of sign, except I don’t believe in them no more. No, no – but I believe these things I can’t forget, tho’ I don’t see you anymore. Yes, I believe these things I can’t forget, ‘cos I see them – tho’ I don’t see you anymore. »
Roadkill