BloguesClémence Risler

Rencontre avec CocoRosie

 

Comme je l'ai déjà mentionné sur ce blogue, le spectacle de CocoRosie prévu pour la semaine prochaine a été annulé. Voici l'entrevue que j'ai réalisée avec Bianca et qui était supposée paraître dans le journal cette semaine :

Monstres et merveilles

CocoRosie nous convie une fois de plus dans son monde parallèle.

À l'instar de l'image réalisée par les photographes français Pierre et Gilles pour la pochette de The Adventures of Ghosthorses & Stillborn, l'univers des soeurs Sierra (Rosie) et Bianca (Coco) Cassidy est singulier et surréaliste, à la fois enfantin et glauque. Dans une campagne luxuriante, on voit les deux femmes à bord d'une barque, vêtues de robes noires. L'une regarde l'homme agenouillé auprès d'elle qui lui tend un gâteau d'anniversaire, l'autre tient une poupée de chiffon et présente un regard triste, perdu au loin. Un cheval jouet est tombé à leurs pieds et, derrière elles, deux cygnes noirs semblent suivre leur embarcation.

Amies de Devendra Banhart et Antony & The Johnsons, elles se sont souvent vues liées à la scène dite néo-folk à laquelle on associe aussi des artistes comme Joanna Newsom ou Animal Collective. Mais la vérité, c'est que ces filles ne font partie d'aucune catégorie tant leur oeuvre est insaisissable. Normal, quand on sait que leur entrée dans le monde de la musique fut un pur hasard, et qu'il y a à peine quatre ans, alors que les deux soeurs d'origine américaine se revoyaient après près de dix ans de séparation, elles n'avaient aucune intention de faire des albums. Tout a commencé quand Bianca, alors en voyage autour du monde, a fait escale chez sa grande soeur qui étudiait alors l'opéra à Paris. Avec les moyens du bord et tout se qui traînait autour d'elles, elles ont créé le petit bijou baroque qu'est La Maison de mon rêve. «Notre premier album n'était pas un accident artistiquement parlant, puisque l'art fait partie de nos existences depuis toujours, explique Bianca. Ce qui fut un accident, c'est que nos expériences prennent à ce moment-là la forme d'un album et que ça tombe entre les mains d'une étiquette de disques.»
Il émane de The Adventures of Ghosthorses & Stillborn des atmosphères fragiles et étranges, mais contrairement à leurs précédentes créations, ce troisième disque s'avère moins bricolé et plus accessible. Les mélodies y sont plus solides et les textures, plus variées et plus colorées. Des cris d'animaux, des clochettes de bicyclette, une panoplie de sons produits par des instruments jouets et deux voix distinctives, celle d'une cantatrice et l'autre, plus maladroite, ressemblant à une voix d'enfant, se mêlent à du folk, du hip-hop, de l'opéra et du gospel.
Pour la composition et l'enregistrement, les frangines se sont rendues dans le Sud de la France: «Nous étions seules et nous travaillions dans une vieille ferme la nuit alors que tous les fermiers dormaient. L'atmosphère des lieux a vraiment influencé l'album. On entendait les lamentations d'un cheval malade qui est devenu notre personnage principal: le Ghost Horse.»
Pour apporter la touche finale à l'album, elles ont eu besoin de se trouver loin de ce lieu «hanté»: «Nous avons terminé l'album en Islande dans un studio à la fine pointe de la technologie. Nous n'en sortions qu'à de rares moments pour nous balader dans d'immenses champs de lave, alors nous nous sentions comme dans un vaisseau spatial, c'était très surréaliste.» Il n'en fallait pas plus pour créer cet album qui nous transporte dans une dimension à des lieues de notre réalité.