En conversation avec l’architecte Jean-François St-Onge
Rencontre avec Jean-François St-Onge, co-fondateur d’ADHOC architectes, après sa conférence au CreativeMornings/Montréal sur le thème du mois: #CMReality.
C’est en suivant les conseils de Confucius pour ne jamais travailler de sa vie, que Jean-François St-Onge est devenu architecte. Après un passage dans différents cabinets de Montréal, d’ Atelier In Situ à Lemay & associés, Jean-François a suivi son instinct entrepreneurial pour créer ADHOC architectes, avec son associé François Martineau. Ce mois-ci, le thème partagé par toutes les équipes de CreativeMornings à travers le monde était « Reality ». Or que fait un architecte sinon donner vie aux rêves et aux projets de ses clients, les rendre réels?
C’est donc avec un immense plaisir que nous avons invité Jean-François à venir partager son expérience avec la communauté créative montréalaise. Un pari qu’il a relevé haut la main, avec énergie, humour et générosité. Nous avons décidé de poursuivre la conversation un peu plus longtemps, et de la partager avec vous.
Comment as-tu su que tu voulais devenir architecte ?
Enfant, je passais mon temps à dessiner ! Mes grands-parents sont des snowbirds, donc chaque année, je partais ponctuellement avec eux en vacances dans leur caravane. Les espaces étaient si petits que je m’amusais à dessiner des plans pour les améliorer.
Tu nous racontais pendant la conférence que le conseiller d’orientation que tu avais rencontré à l’adolescence avait tout fait pour t’en dissuader…
J’aurais pu me décourager mais c’est tout le contraire qui s’est produit. Il ne m’en prenait pas plus pour éveiller l’instinct de guerrier en moi ! J’étais bon en mathématiques, en sciences et en dessin. J’ai donc décidé d’étudier la biologie, la physique et la chimie, ce qui était un parcours assez classique à l’époque pour devenir architecte. Ça m’a permis de mieux comprendre la réalité des éléments.
Ton parcours scolaire n’a pas été linéaire. Peux-tu nous le raconter ?
J’ai changé d’écoles régulièrement, ce qui m’a permis de me confronter à différentes réalités. J’ai commencé par deux ans en architecture à l’Université de Laval, puis j’ai fait un échange universitaire à l’École Polytechnique fédérale de Lausanne en Suisse. J’ai ensuite arrêté mes études pendant un an pour faire des stages, avant de poursuivre mon cursus par une maîtrise à l’Université de Montréal.
En 2011, tu décrochais la prestigieuse Bourse du Collège des Présidents de l’OAQ pour réaliser un voyage de recherche. Quel était ce projet ?
Grâce à cette bourse, j’ai passé plus de deux mois et demi dans les pays autour de la mer du Nord, en Islande, en Écosse, en Angleterre, en Norvège, aux Pays Bas…Mon projet d’études était de questionner notre rapport à l’eau, et plus spécifiquement le rapport qui se noue entre l’usager, l’eau et l’architecture. L’idée était de créer un blog, eau123go, pour permettre aux gens de suivre le projet, puis, à terme, de créer une exposition itinérante de photos.
Comment avais-tu imaginé cette exposition ?
Montréal a été fondée sur le bord du fleuve, mais aujourd’hui on tourne le dos à l’eau et à notre passé. Quand je vois les projets menés en Scandinavie, où le climat est souvent plus extrême qu’au Québec, je me dis qu’il serait temps de nous réapproprier nos berges. Avec cette expo, je voulais donc montrer aux gens tout ce qu’il serait possible de faire ici. Mais je me suis heurté à la réalité : les bords du fleuve ne sont pas publics et appartiennent à de nombreux acteurs. L’exposition n’a donc jamais pu se faire.
La nature a une récurrence importante dans ta démarche d’architecte. Peux-tu nous expliquer ce qu’elle représente pour toi?
Je suis né dans le Bas-Saint-Laurent, au cœur de Kamouraska, où la nature est magistrale ! Les éléments naturels sont une source infinie d’inspiration pour moi. Je peux en étudier la structure, les rapports dans l’écosystème, leur valeur symbolique. C’est certainement ce qui explique que tous nos concepts architecturaux viennent de la nature, que ce soit le papillon, le bouleau, le pissenlit, la géode…
Justement, peux-tu nous parler d’ADHOC architectes ? Qu’est-ce qui t’a décidé à créer ta propre agence ?
J’ai eu envie de me confronter moi-même aux réalités! Tout comme François, mon associé, je viens d’une famille d’entrepreneurs. C’était une fibre indispensable pour créer notre propre agence d’architectes.
Comment vous êtes-vous rencontrés ? Étiez-vous amis ?
J’ai rencontré François sur les bancs de l’école mais on n’était pas amis au début. On avait un profond respect par rapport aux projets de l’autre, mais ça s’arrêtait là. Puis on a travaillé sur un projet en commun et on s’est aperçu que ça fonctionnait.
Comment la collaboration s’est-elle mise en place ?
On a commencé par tâtonnements. On montrait en quoi on était bon, ce qu’on aimait. Nos forces et nos faiblesses nous sont vite apparues comme complémentaires. Encore maintenant les faiblesses de François m’énervent et vice-versa, mais c’est pour ça que ça fonctionne (rires). Nous sommes deux forces complémentaires : j’apporte les idées pétées et François s’assure que tout est réalisable. Nos clients nous demandent souvent, d’ailleurs, si nous travaillerons en duo pour développer leur projet.
Pourquoi avoir choisi le nom d’ADHOC architectes ?
« Ad hoc » signifie « pour cela », ce qui exprime bien l’idée de répondre à des besoins de façon spécifique, de créer un objet sur-mesure. Tu remarqueras aussi qu’on a choisi le terme « architectes » et non pas « architecture ». C’est un détail important, qui exprime l’importance de l’humain expert derrière l’entreprise.
Les projets menés par l’agence sont si variés, de l’habitation au design urbain. Y a-t-il un projet qui te fait rêver ?
Je rêve de tourner Montréal vers l’eau. Ce serait un projet très ambitieux pour la ville. Ça nécessiterait de renoncer à certains éléments qui ont fait Montréal, comme le port, la voie ferrée. Ça impliquerait aussi la fin de la privatisation des berges et une réappropriation de ces espaces par le publique. Les seuls espaces qui donnent accès au bord de l’eau, comme l’île Sainte-Hélène ou Verdun, sont dus à la construction du métro et aux monticules de terre créés par le fait de creuser.
Comment imagines-tu Montréal dans le futur ?
J’aime le côté multiethnique de Montréal, c’est une ville qui présente de multiples visages. Je n’imagine pas la ville dans la fusion de ses quartiers mais dans la valorisation de pôles ayant une identité propre, comme Saint-Henri et le multimédia, Verdun et son rapport hallucinant avec la nature, le Mile End artistique. Il pourrait être intéressant de connecter ces différents pôles en créant des ponts.
Texte: Sarah Meublat
Photo: Tora Photography