5 attitudes à adopter pour relever les défis de la réalité
S’il est impossible de choisir la réalité qui s’impose à nous, nous pouvons toutefois choisir la manière de l’aborder. C’est le constat que posait l’architecte Jean-François St-Onge, lors de sa conférence sur le thème de la « Réalité » à la dernière édition de CreativeMornings/Montréal.
L’idée de départ était la suivante : contrairement à l’artiste qui questionne la réalité et l’interprète, un designer a pour objectif de répondre aux réalités qui lui sont soumises. Face à ces réalités multiples, évolutives et complexes, un designer n’a pas d’autre alternative que d’adapter son attitude face aux réalités d’un projet.
À partir de son expérience en tant qu’architecte, que ce soit au sein des cabinets dans lesquels il s’est formé, ou au sein de sa propre agence, ADHOC architectes, co-fondée avec son associé François Martineau, Jean-François St-Onge a élaboré cinq attitudes différentes.
Cinq attitudes qui s’avèrent de véritables outils à qui souhaite mener à bien des projets ou travailler de façon collaborative.
1. L’attitude du parachutiste
Le parachutiste est celui qui ose sauter et se mettre en péril pour vivre des sensations fortes. Une fois embarqué dans le projet, on ne peut plus rebrousser chemin.
Étude de cas : le projet SPOT
Le projet : Des étudiants, encore sur les bancs de l’école, contactent ADHOC architectes pour un projet d’installation au village éphémère du SPOT à Québec. Le projet est super, mais les étudiants n’ont pas de budget. Encore plus fort, non seulement ils souhaitent qu’ADHOC architectes construisent le projet, mais également qu’ils le subventionnent. Un culot qui paie puisque Jean-François et François décident d’embarquer pour ce premier saut en tandem dans l’inconnu.
Les défis :
1. Après deux semaines, l’équipe d’architectes est confrontée à une première charrette. Ils ont 24 heures pour proposer un projet. Après une peur de la page blanche, ils se laissent inspirer par le thème du jeu et proposent de créer une canopée de 1 200 virevents.
2. L’idée des virevents fait l’unanimité mais les premières estimations affichent un coût de 10 000 $. Le budget fixé à 2 000 $ ne suffira pas. Germe alors l’idée de demander à la compagnie 3M de rejoindre le projet. La proposition séduit le représentant de 3M, qui décide d’offrir les trois rouleaux nécessaires à la réalisation du projet.
3. Les premiers prototypes fonctionnent au début, puis se mettent à exploser un à un. « On n’avait plus d’autre choix, si proche de l’installation, que de s’adapter. Nous avons donc fait des virevents plus petits et moins espacés afin qu’ils soient plus résistants ». Pendant 10 heures, 10 personnes s’activent donc pour créer 1 200 virevents, à la main.
Le résultat ? « La réalité dépassait la fiction ! », s’enthousiasme Jean-François, des pépites dans les yeux. La canopée fascine les passants, et chose totalement imprévue, émet une sorte de chant selon les mouvements du vents. L’effet est presque magique. À tel point que le projet obtient de Grand Prix du Design, dans la catégorie « Installation Éphémère ».
La leçon à tirer : Grâce à ce projet, l’équipe d’ADHOC architectes comprend combien il est important d’apprendre à prendre des risques pour innover.
2. L’attitude du Tai Chi
L’adepte du Tai Chi s’ancre dans la réalité et parvient à concentrer son énergie de façon à la transmettre à son client sous la forme d’une idée claire et unique que le client s’approprie peut à peu.
Étude de cas : la Maison Bouleau
Le projet : Une cliente passionnée d’art et de culture amérindienne arrive avec le projet d’une résidence multi-générationnelle, dans le quartier de Saint-Sauveur à Québec. « Nous avons absorbé toute l’énergie de la cliente, et nous sommes plongés dans l’histoire de la culture amérindienne ».
La solution : C’est en partant de l’idée du bouleau que le projet commence à prendre forme. « Le bouleau est un emblème important pour les autochtones. C’est aussi le premier arbre qui repousse après un incendie de forêt », explique Jean-François. « Nous avons donc travaillé l’idée d’écorce, d’intérieurs doux, tendres et chaleureux. Pour plus de fluidité, nous avons fait en sorte qu’aucun mur ne touche les murs extérieurs, tel les rayons de croissance d’un arbre».
Le résultat : Le projet est devenu « la Maison Bouleau », une bâtisse qui se mêle harmonieusement à son environnement et qui transmet les valeurs profondes de sa propriétaire.
La leçon à tirer : Grâce à ce projet, l’équipe d’ADHOC architectes comprend combien il est important de s’imprégner de toutes les énergies entourant l’origine d’un projet.
3. L’attitude du contorsionniste
Le contorsionniste veut plaire à tellement d’interlocuteurs en même temps que le projet devient fragile à toute modification.
Étude de cas : la Géode
Le projet : L’équipe d’ADHOC architectes reçoit la demande de construire 5 unités sur un site exigu. Pour complexifier la chose, de nombreux acteurs sont impliqués, avec chacun leur propre réalité à prendre en compte.
La solution : « Nous avons décidé de nous inspirer des ryads marocains, dont les murs fermés sur l’extérieur révèlent de véritables jardins d’éden à l’intérieur ». Pour que le projet soit validé, l’équipe est amenée à faire preuve d’une grande flexibilité par rapport à son idée de départ, mais le projet Géode prend malgré tout forme.
Résultat : Le projet Géode va être construit à l’intersection des rues Marianne et De La Roche. La livraison est prévue pour l’automne 2016.
La leçon à tirer : Grâce à ce projet, l’équipe d’ADHOC architectes comprend que la collaboration implique d’accepter de voir son projet et son idée de départ aussi bien bonifiée qu’altérée.
4. L’attitude du surfeur
Le surfeur saisit la vague, prend son énergie et s’élève au rythme des flots. S’il est bon, il peut même s’amuser en le faisant !
Étude de cas : la clinique de soins Nu Face
Le projet : Les propriétaires d’une clinique de soins à Laval arrivent chez ADHOC architectes avec un plan d’affaires basé sur Disney World. Le projet est extravagant et inattendu : « Les clients voulaient un candy bar, des statuettes grandeur nature de Star Wars et un aquarium géants dans leurs locaux », se souvient Jean-François. Outre ce défi inhabituel, le projet doit être conçu et construit en seulement 3 mois !
La solution : « Face à cette situation, nous avions deux solutions : nager au plus vite pour rejoindre la plage, ou se mettre à surfer ». L’équipe d’ADHOC architectes choisira évidemment à seconde option. « On s’est rattaché de nos deux mains à l’aile du papillon, leur logo ». Ils en étudient l’iridescence, et l’adaptent aux couleurs de l’entreprise. « Ce que nous avons compris derrière la volonté de nos clients de s’inspirer de Disney World, c’était de créer un lieu où le rêve est permis ».
Le résultat : Quand les clients de Nu Face découvrent le projet, ils n’en croient pas leurs yeux. « On oublie complètement qu’on est à Laval, on se croirait à Los Angeles ou à New-York ! » s’exclament-ils. Non pas parce qu’ils n’aiment pas leur ville, mais parce que des places comme Los Angeles sont des lieux où l’imaginaire se libère.
La leçon à tirer : Grâce à ce projet, l’équipe d’ADHOC architectes comprend que s’abandonner à l’univers des autres peut permettre de repousser ses propres limites.
5. L’attitude du bobbeur
« Avant de me lancer en entreprenariat, je connaissais bien mes qualités et mes défauts, explique Jean-François. Face à ça, j’avais deux solutions : soit je cherchais à me former pour corriger mes défauts, au risque de laisse tomber mes qualités. Soit je m’associais avec quelqu’un qui a les qualités de mes défauts, et on décidait de prendre nos virages ensemble, en penchant la tête en même temps. C’est ce que j’ai fait ».
Rejoint sur scène par son associé François Martineau, celui-ci acquiesce et ajoute : « On n’a jamais les mêmes idées, on n’est d’accord sur rien. Mais cette confrontation d’idées apporte des questionnements plus profonds et nous pousse à sortir de nos zones de confort pour sortir des idées qu’on n’aurait pas eues au départ ».
Le mot de la fin sera donné par Jean-François : « Je vous invite à embrasser les réalités qui sont propres à chacun de vos métiers afin de vous élever et vous permettre de créer de nouvelles réalités ».
Ovation.
Texte: Sarah Meublat
Illustration: Craig Ward
Crédits photos: Adrien Williams (photo Nu Face), Alexandre Guilbeaut (photos maison Bouleau et projet SPOT), autres photos courtoisie ADHOC architectes.