La magie selon Oriol Tomas, metteur en scène à l’Opéra de Montréal
Se faire réveiller par le son du piano qui accompagne les chanteurs de l’atelier lyrique de l’opéra de Montréal : voilà ce qu’on pourrait appeler démarrer la journée en beauté. Un rare moment d’une belle intensité s’est produit au Salon urbain de la Place des arts, qui donnait le ton pour cette matinale de CreativeMornings/Montréal sous le thème de la magie.
Oriol Tomas est venu parler de son métier de metteur en scène d’opéra, à travers son parcours unique. Enfant, ce créateur montréalais né à Barcelone accompagnait ses parents au Liceu qui est le grand théâtre de l’opéra de Barcelone. De là est née sa passion.
JE NE SUIS NI CLOWN, NI MAGICIEN
Il est monté sur scène en disant : « Qu’est ce que je pourrais vous dire de plus sur la magie qui soit à la hauteur de la musique que vous venez d’entendre? » En effet, la salle était silencieuse, les yeux encore ébahis devant le talent des interprètes qui venaient de quitter. Il a débuté son message bien humblement en disant: « Je ne suis ni clown, ni magicien, ni orateur » mais chaque minute qui passait venait prouver le contraire.
C’est qu’il nous a fait rire à quelques reprises. En particulier lorsqu’il nous a raconté l’histoire d’un opéra qu’il a monté en France avec deux collègues de la vieille école. L’un d’entre eux préférant écrire ses instructions à la main bien que l’anecdote date de 2012 et l’autre préférant la lumière de la chandelle à celle de l’électricité courante même s’il a mentionné être ouvert aux nouvelles technologies.
Oriol garde d’excellents souvenirs de ces deux collègues avec qui il a eu des échanges très enrichissants et qui se sont avérés être d’une efficacité remarquable.
Travailler à monter une pièce avec autant de gens provenant d’arrière-plans différents, de pays différents, peut comporter son lot de défis mais Oriol avoue aimer le travail d’équipe. « La clé dans mon métier réside dans la souplesse ».
LE DOUTE
C’est important aussi de prendre conscience de l’échec possible. « Des fois je me réveille la nuit en me disant ça ne marchera pas », poursuivit-il.
« Je me sens souvent comme un funambule qui marche sur la corde raide, toujours sur le bord du précipice. Est-ce que ce sera un échec ou une réussite? Est-ce qu’il va bien chanter aujourd’hui? Est-ce qu’elle sera malade? Est-ce qu’elle sera aussi touchante le soir de la première que lorsqu’elle était en répétition? Car je dirige des êtres humains avec leurs forces et leurs faiblesses, avec leur culture, leur propre histoire, leur identité. Et je dirige aussi des chanteurs dont l’outil principal est la voix, le corps. Un outil si fragile qu’il peut manquer au rendez-vous sans préavis. Mais quand tous les éléments sont réunis, quand tous les éléments s’harmonisent entre eux, c’est comme si soudainement, d’un coup de baguette magique, on transformait la salle d’opéra. Le doute est nécessaire pour amener nos idées plus loin. Le doute est ce qui nourrit ma force. »
Ce qu’Oriol aime de son métier est d’amener les gens à connaître un autre univers. « Ça c’est magique », dit-il. Un autre aspect de son métier qu’il apprécie et qu’il est toujours en train d’apprendre. « C’est une des beautés de la vie ». Oriol a dirigé des pièces de théâtre au courant de sa carrière et il le fait encore mais l’aspect musical présent dans l’opéra en fait selon lui un art total.
Être metteur en scène d’opéra est un vrai travail de coordination, un travail d’équipe pour créer un spectacle qui va aller chercher la part d’humanité qui se trouve en chacun de nous.
Texte de Jessica Beauplat
Photo de Tora Chirila