Le travail à l’ère du numérique : transparence recherchée
À l’ère de la numérisation de masse, Montréal s’est dotée d’un plan stratégique de quatre ans pour devenir « la ville intelligente numéro 1 dans le monde ». Certes, en jouant ses cartes correctement, le numérique constitue une belle opportunité de revivifier l’économie à travers de nouveaux emplois et une croissance du PIB.
Les objets connectés (IoT), l’analyse de mégadonnées, la robotique avancée et, à maturité, la réalité augmentée et virtuelle pourraient effectivement engendrer une croissance économique significative, à la fois pour le secteur public et privé.
Cette nouvelle dynamique a engendré une révolution des communications plaçant la transparence au centre des préoccupations des consommateurs et des employés. De nos jours, n’importe qui jouissant d’une connexion Internet peut atteindre quasi instantanément des millions d’autres autour du globe : humains, bots ou objets.
Pourtant ironiquement, en entreprise, le concept de loyauté s’effrite à mesure que l’on s’éloigne de la stabilité des investissements à long terme au profit de mesures économiques à court terme.
On prône le mode de gestion startup, on traite l’échec comme un rituel de graduation, mais l’on n’a toujours pas revu notre discours vis-à-vis des employés. Dorénavant, toute relation professionnelle dépend à un degré ou un autre d’une hypocrisie partagée.
Peut-on être honNêtes ?
Devrions-nous craindre robots et programmes automatisés? Ou les gestionnaires utilisant ces technologies afin de réduire leurs coûts opérationnels, au détriment d’emplois dorénavant considérés désuets ? Les transformations engendrées par le numérique paraîtraient moins menaçantes si les entreprises qui en bénéficient, en bons citoyens, allouaient une partie de leurs économies à la formation de leur personnel pour faciliter leur adaptation aux nouvelles réalités du marché.
À la place, les employés sont vus comme des démarcheurs en série, changeant d’emploi selon les opportunités, tandis que les employeurs peuvent licencier leur personnel à tout moment et sans raison particulière. De là découle un manque de confiance de part et d’autre, et personne ne profite réellement de la relation.
La réponse, suggère le cofondateur de LinkedIn Reid Hoffman, dans son dernier livre peut être trouvée dans un nouveau cadre qui balance et redéfinit le pouvoir, créant une alliance non conçue pour durer indéfiniment, mais aussi longtemps qu’elle demeure profitable à la fois pour la compagnie et l’individu qui y souscrivent.
En s’exprimant ouvertement à propos de l’alignement de la mission de chacune des parties, un lien de confiance peut être tissé, amenant une meilleure rétention des bons éléments.
Par exemple, une ex-employée de Google raconte avoir annoncé durant son entretien d’embauche son projet de quitter deux ans plus tard afin de fonder sa compagnie. Trop peu d’entreprises permettent encore ce niveau de franchise sans le faire regretter amèrement.
La personnalisation : pas SEULEMENT pour les consommateurs
En concevant des « périodes d’affectation » personnalisées qui concordent avec les objectifs de carrière de chaque employé, les gestionnaires créent des équipes dont la loyauté et le dévouement affichent un ROI surpassant largement les ressources dédiées à leur gestion.
Le principe est assez simple : plutôt que d’embaucher des ressources sur la base d’une description de poste statique et pour une durée indéterminée, trois types de « périodes d’affectation » viennent répondre aux besoins de types de relations précis.
La période rotationnelle s’adresse aux jeunes gradués et aux postes techniques ou ne menant généralement pas à des postes de direction (par exemple, un développeur web peut ne jamais souhaiter devenir chef d’équipe pour diverses raisons).
D’une durée plus courte, en moyenne un à trois ans, la rotation permet d’apprendre à mieux se connaître, maîtriser son environnement et acquérir de nouvelles compétences. Bien que négociée individuellement, cette assignation se base généralement sur un cadre assez standard.
Quelques mois avant sa conclusion, le gestionnaire et l’employé pourront décider conjointement s’ils souhaitent poursuivre la relation et sous quelles conditions. Un remplaçant pourra être trouvé en collaboration avec l’employé terminant son affectation et, dans le cas d’un départ, c’est sans rancune que leurs routes se séparent.
Ces conditions ne correspondent pas nécessairement à une augmentation salariale ou un changement de titre ; il ne s’agit pas d’une lutte de pouvoir. Ce sont plutôt les objectifs à atteindre qui diffèrent. Pour l’employeur, permettre à sa ressource de se développer selon ses objectifs de carrière. Pour l’employé, transformer positivement l’entreprise par son apport.
Des mouvements latéraux (au sein de différents services, équipes ou projets) permettent souvent une vision fraîche amenée par une ressource qui a l’avantage d’être déjà familière avec les processus et la culture de l’entreprise (assigner un concepteur-rédacteur à une nouvelle équipe créative au sein d’une agence, par exemple). L’entreprise évite les mauvais plis et l’employé, la stagnation.
À l’inverse, la période fondamentale peut s’étaler sur une ou plusieurs dizaines d’années, plus proche de l’ancien modèle de l’époque industrielle. Réservée aux dirigeants d’entreprise, au personnel exécutif et à quelques membres ayant démontré leur loyauté et leur désir de poursuivre indéfiniment la relation de confiance avec l’entreprise, cette affectation ne peut être mise sur la table que lorsque les valeurs de l’individu et celles de la compagnie ne font qu’un. Pensons aux fondateurs d’une entreprise, à une personnalité publique, etc.
Entre ces deux extrêmes se situe la période transformationnelle, à laquelle voudront souscrire les employés les plus ambitieux, ainsi que ceux ayant déjà complété une ou plusieurs affectations rotationnelles et dont la loyauté permet un investissement plus important (de part et d’autre).
Ces affectations se négocient individuellement, hors cadre et description de tâches prédéfinies. L’employé transforme sa carrière en enrichissant son portfolio de compétences et d’expériences, tandis que l’entreprise se voit transformée par l’employé dans le cadre de sa mission spécifique d’améliorer ses affaires.
Selon le type d’emploi, l’industrie et l’expérience du candidat, ces périodes d’affectation peuvent durer de six mois à dix ans (ou plus), et des suivis réguliers permettent une conversation ouverte à propos de la satisfaction de chacun (pour télécharger un gabarit d’entente basée sur ce modèle, cliquez ici).
Assignation | Design | Deal | Durée |
Rotation |
Programmatique | Test de la compatibilité future dans l’entreprise / emploi prévisible. | Pour un analyste par exemple, 1 – 3 ans
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Transformation |
Négocié individuellement | Transformation de la carrière de l’employé (micro ou macro) / transformation de l’entreprise.
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Déterminée par la mission spécifique, généralement 2 – 5 ans |
Fondation | Une figure de proue représentant les valeurs de l’entreprise / un but et une signification profonde à son emploi. | Indéterminée |
L’Alliance souligne également l’importance d’un fort réseau d’anciens, à la fois pour le recrutement et pour référer de nouveaux clients. Mais le conseil le plus controversé de l’ouvrage est sans doute d’encourager les compagnies à explorer l’intelligence d’affaires au sein des réseaux externes de leurs employés afin d’aider la résolution de problèmes, d’apprendre sur les tendances émergentes, le focus de leurs concurrents ou la perception de leur marque par le monde extérieur.
Vue comme risquée ou carrément menaçant par certaines structures d’entreprises existantes, cette approche pourrait néanmoins créer un environnement de transparence et de confiance, où les compétences pourraient être acquises plutôt que requises, les enjeux discutés ouvertement et les mouvements latéraux rendus possibles.
Avez-vous d’autres conseils pour favoriser la transparence en entreprise (ou ailleurs) ? Pour participer à la conversation autour du thème du mois d’octobre, utilisez le mot clic #CMTransparency sur les médias sociaux.
Texte par Audrey Raby.
Photo : Ryan McGuire pour gratisography