Quand l'égalité n'est pas un privilège
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Quand l’égalité n’est pas un privilège

Il y a des moments où je parle fort comme lorsque je suis vraiment surexcitée de raconter mon week-end dans les menus détails, de la plus futile description d’un brunch très copieux, à la joie de voir enfin un peu de soleil se poser sur le pavé des rues de Montréal.  

D’autres fois où je préfère demeurer silencieuse. Après les attentats de Québec, il y a eu une minute de silence nationale, observée par les citoyens qui avaient organisé des veillées un peu partout à travers la province.  C’était un moment pour réfléchir, à la violence, la tolérance, l’égalité et l’injustice. Une jeune femme du nom d’Élisabeth Massicolli, journaliste au Elle Québec, s’est mise à entrevoir le projet Nos plumes comme des armes. Un recueil de poèmes qui exprimerait haut et fort, sans violence ni hargne, la saine colère qui habitait en quelques-unes d’entre nous. Elle a voulu prendre la parole, puis a décidé de nous la laisser, à nous ces femmes pour la plupart racisées qu’on entend si peu.

Je suis vraiment privilégiée d’avoir pu joindre ma voix à la leur. Contente d’avoir participé à cette aventure où j’ai découvert une communauté lumineuse et forte qui se tient ensemble pour croire que le meilleur n’est pas derrière nous. Au contraire, le meilleur se passe maintenant.

Mon corps invisible

Mon corps est invisible
On ne le voit qu’à travers le prisme fantasmé de l’érotisme
Mais ce corps-là n’est pas le mien

Mon corps est invisible
Il s’illumine sur les panneaux publicitaires des grandes enseignes
Toujours un peu pareille, quelques fois différent

Mon corps est invisible
Il te touche, il te frôle, te côtoie
Mais son reflet je ne le vois pas

Mon corps est une image préfabriquée
Soustrait à des standards de beauté
qui emprunte leurs codes à des idées un peu fanées

Mon corps est noirci de ce silence bruyant
De cette révolte calme
Qui crie en moi

Mon corps est noir, mais on ne le voit pas
La plupart du temps
Absent de la place publique
Il joue parfois à la cachette
Dans quelques pages de magazines

La voix étouffée par la majorité
Il ne veut pourtant prendre la place de personne
Juste la sienne

Tous les profits du recueil seront remis aux organismes suivants:

Action Réfugiés Montréal
Helem Montréal
Centre multiethnique de Québec

Vous pouvez vous le procurer en ligne :
www.nosplumescommedesarmes.com

 

Texte : Jessica Beauplat

Illustration : Valery Lemay (Leclubmay)