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Duchesneau à Tout le monde en parle : Politique du divertissement

Ainsi donc, alors que la population du Québec semble ébranlée par le rapport Duchesneau dévoilé la semaine dernière par Radio-Canada, au moment où à peu près tout le monde ici bas réclame des explications, des approfondissements, des éclaircissements et éventuellement une enquête publique, c’est à Tout le monde en parle que le principal intéressé ira s’expliquer dimanche soir…

Gageons que nous serons plusieurs au rendez-vous pour l’écouter, avides de déclarations chocs et de « transparence ». J’imagine déjà les conversations au bureau lundi matin prochain : « enfin, la vérité sort! ».

Permettez-moi de me gratter le lobe d’oreille, affligé que je suis par un sérieux doute…

Le problème n’est pas d’inviter Duchesneau à cette populaire émission. Après tout, oui, c’est vrai, tout le monde en parle de ce rapport.

Le problème, c’est qu’il ait accepté.

Comment pouvons-nous envisager un seul instant qu’un rapport qui remet en question les bases mêmes de notre système parlementaire, qui mine la confiance –déjà pas mal effritée- des citoyens envers les institutions politiques, soit discuté sur un plateau et questionné selon le plan de match d’un maître des variétés et de son équipe de recherchistes? Comment pouvons-nous imaginer qu’un montage des propos de Duchesneau agencés dans le but de créer un bon moment de télé, puisse avoir préséance sur un exercice politique en bonne et due forme?

Qu’on me comprenne bien : il ne s’agit pas ici de prêter de mauvaises intentions à Guy A. Lepage. Il ne s’agit pas de remettre en question son talent ni même la valeur « sociale » d’une telle tribune.

Il s’agit ici de se questionner : Comment en sommes-nous arriver à troquer le politique pour les variétés et le divertissement?

Un montage est un montage, une mise en forme influencée par la vision du monde de celui qui l’effectue. Ainsi, un montage sera toujours tendancieux, orienté, mis en forme.

Collectivement, dimanche soir, nous accepterons d’entendre Duchesneau et de lire son rapport avec les oreilles et les yeux de Guy A. Lepage.

Sans aucun doute, cette entrevue aura des conséquences. Les téléspectateurs (expression qui se confond peut-être désormais avec « citoyen ») seront ravis, choqués sans doute et cristalliseront leurs positions à l’aune de ce qui sera dit –ou non, dimanche soir.

Combien de gens écouteront ensuite Duchesneau dans le cadre d’une commission parlementaire?

Une poignée, tout au plus, si on compare à l’auditoire de Tout le monde en parle.

En acceptant cette invitation comme première sortie publique, Duchesneau nous dit au fond qu’une émission de variété vaut bien un exercice parlementaire… De quoi nourrir les cyniques, qui sont déjà bien repus par les temps qui courent…

Il y a de quoi se questionner. Encore plus de quoi se remettre en question.

Vous êtes nombreux à réclamer une enquête publique sur la collusion et le financement des partis politiques.

…Allez, avouez… Ce dont vous avez envie au fond, c’est de la bonne télé…